Il y a trois semaines. Anywhere, I would have followed you. « Je suis désolé Kali, mais c’est terminé. »  L’interpellée fronça les sourcils, tout en gardant son regard rivé sur ses céréales – les plus sucrées qu’elle parvenait à trouver en magasin, celles dont la boîte était toujours ornée de dessins d’animaux divers et variés. Terminé ? Qu’est-ce qui était terminé ? La boîte de céréales ? La bouteille de jus d’ananas ? Les dessins animés qu’elle aimait regarder les matins pour se vider l’esprit ? « Kali, tu me regardes quand je te parle ? » Elle fronça un peu plus les sourcils. Elle détestait plus que tout quand il prenait ce ton…comment avait dit sa sœur déjà ? Ah oui, paternaliste. Pourtant, docilement, elle accepta de lever la tête.

Il se tenait là. Debout devant la table de la cuisine, deux valises posées à ses pieds, déjà vêtu du blouson en cuir noir que Kali adorait lui emprunter. « Qu’est-ce que… On part en voyage ? » Demanda-t-elle innocemment tout en repoussant ses longs cheveux bruns derrière ses oreilles. Elle savait très bien qu’ils ne partaient pas. Ils quittaient rarement San Francisco. Selon Peter, un voyage représentait « beaucoup trop de soucis ».

Il soupira, et se passa la main dans ses cheveux blonds. Il faisait toujours ça quand il était nerveux. « Nous deux… c’est terminé. » Les sourcils de Kali sautèrent au plafond. « Quoi ? Mais ? Non… Pourquoi ? » C’était impossible. Eux deux, c’était pour toujours. Elle portait encore une de ses chemises. Elle sentait encore ses bras musclés qui avaient encerclé sa taille toute la nuit. Elle sentait encore ses lèvres qui avaient déposé un baiser juste au creux de son cou ce matin en guise de bonjour. « Non. »  Ils étaient encore plus beaux qu’Angelina et Brad, plus inséparables qu’Hermione et Ron, plus drôles que…  

« Je peux plus vivre comme ça. Je sais que tu fais des efforts. Je sais que c’est pas si terrible que ça. Mais… J’en peux plus d’entendre tes monologues sur les animaux. J’aime même pas les cookies que tu t’entêtes à cuisiner tous les jours. Il ne faut jamais te sortir de ta zone de confort, et…j’en peux plus… » C’était faux. Elle savait sortir de sa zone de confort. Elle n’était pas en sucre. Il avait juste trop peur de prendre le moindre risque. « C’est juste…que je ne t’aime plus. Alors, c’est terminé. »  

Cette phrase eu l’effet d’une claque, et sortit Kali de sa stupeur. Elle haussa les épaules, tachant de prendre un air détaché. Elle se leva doucement, enleva la chemise qui lui appartenait, la laissa tomber au sol. « Alors…pars. » Sur ces mots, elle tourna des talons, et partit se réfugier dans leur…sa chambre. Dans son dos, elle entendit la porte de l'entrée claquer. Elle se laissa alors tomber sur le lit où ils s'étaient aimés un incalculable nombre de fois. Elle se roula en boule, et ne bougea plus. Seuls des sanglots perturbèrent sa position statique.


Hier. When you get worried I'll be your soldier. Dire que Kali était habituée à l’hôpital était un doux euphémisme.  Depuis que ses parents étaient allés la chercher en Inde, après de longues démarches, elle avait effectué plusieurs séjours au California Pacific Medical Center. D’abord ses parents étaient venus pour qu’elle passe de nombreux tests ; lourdes formalités à remplir pour finaliser l’adoption. Puis elle était revenue souvent, au sein du service de psychiatrie. De longs mois étaient passés avant que ce spécialiste grisonnant, désormais à la retraite quelque part en Floride, explique à la fillette alors âgée de sept ans : « Tu as, ce qu’on appelle, le syndrome d’Asperger. Mais je vais te confier un secret… » Il avait alors sortit de la poche de sa blouse un paquet de bonbons et l’avait glissé dans sa main. « Tu es surtout une petite fille exceptionnelle qui n’a pas cessé de m’étonner. » Kali lui adressa son plus beau sourire. Puis, il avait commencé à expliquer les choses à ses parents.

Une tonne de termes avaient alors commencé à pleuvoir dans son esprit. QI important. Hypersensibilité. Maladresse. Attachement excessif. Mémoire très développée. Mais elle s’en était moquée. Elle était exceptionnelle, c’est ce qui comptait.

Evidemment, elle ne parvint pas à conserver cette attitude positive toute sa vie. Ses parents avaient par exemple du mal à la gérer. Ils ne comprenaient pas vraiment comment fonctionnait cette petite fille, si différente de leur aînée. Ils avaient même parfois l’impression d’être dépassée par les mots qu’elle employait, les livres compliquées qu’elle dévorait, qui pouvaient laisser place à une enfant prise de panique, paralysée par une remarque, que seul le chien de la famille – un labrador chocolat – parvenait à rassurer. De plus, leurs carrières respectives qui avaient beaucoup d’importance à leurs yeux, les empêchaient de prendre le temps de la comprendre.

Son autre alliée avait été sa grande sœur. Elles n’étaient pas liées par le sang, ayant été toutes deux adoptées par ce couple de workalcoholic. Elles ne se ressemblaient absolument pas. Pourtant, elles se comprenaient, se soutenaient mutuellement. Quand Diane s’était lancée dans les études de médecine, Kali avait enfin pu l’aider à son tour, en l’aidant à réviser ou à inventer des moyens mnémotechniques de se souvenir de telle ou telle maladie.  

C’est donc tout naturellement que Diane avait décidé de tenir compagnie à Kali, pendant que celle-ci attendait pour sa consultation bi-mensuelle à l'hôpital. Elles s'occupaient tant bien que mal dans la salle d'attente. La brune lisait un livre, tandis que la blonde répondait à ses mails à partir de son smartphone.

« Je peux être honnête ? » Kali sortit sa tête de son livre et observa sa sœur, un sourcil haussé, l’invitant à continuer. Diane prit alors une profonde inspiration avant de se lancer dans une longue tirade. « Je suis…contente qu’il soit partit. Peter. Je sais que tu l’aimais. Mais…Il te couvait. Il te traitait comme si tu étais en sucre, alors que tu ne l’es pas…même si j’admets que tu en manges beaucoup. Vous passiez votre temps à San Francisco, alors que vous gagniez suffisamment d’argent pour voyager. Et…tu n’es pas une enfant. En plus, tu es hyper intéressante.  Mince, t’es quand même diplômée de Berkeley, en littérature ! Et, tu es parfaite comme tu es. » Kali baissa la tête, un peu gênée par le compliment de sa sœur. « Par contre… Il n’avait pas le droit de te briser comme ça.  Et…Je suis inquiète. » Diane était celle qui avait retrouvé sa sœur, couchée sur son lit, vingt-quatre heures après que Peter soit partit.

Kali leva les yeux au ciel. Elle détestait que sa sœur s’inquiète. Elle voulait être autonome. « Je vais bien. Et tu sais… » Elle se permit enfin de lever la tête et observa sa grande sœur. Elle lui adressa un léger sourire. « Ca te va bien la blouse…. Je suis sûre que tu fais un malheur parmi les internes. » Diane lui donna une tape amicale sur l'épaule. Il n'y avait que sa petite soeur qui savait, et pouvait changer de sujet si facilement avec elle. « Si tu changes d'avis bourrique, tu sais où est mon appartement. »

A ce moment, une infirmière arriva dans la salle d'attente, et indiqua à Kali que c'était son tour. La brune sauta sur ses pieds, se tourna vers sa soeur et lâcha en "au revoir"« Toi et moi, contre le reste du monde. Comme toujours Diane. Je te trouve à la cafétéria après » Diane ne chercha même pas à la retenir, laissant filer entre ses doigts cette jeune femme définitivement exceptionnelle, mais terriblement plus fragile qu'elle ne voulait l'admettre.

Te voilà désormais validé !
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