Un corps recroquevillé sur le bitume. Du sang. Ce jour-là, c'est le jour où j'ai pris la décision la moins honorable de toute ma vie. Fuir. Simplement. C'est tellement plus simple de fuir plutôt que d'assumer la responsabilité d'un crime en face. J'ai paniqué, c'est tout. Pourtant, d'habitude, je gère bien le stress, je sais faire face à des imprévus, je sais improviser. Mais là, à ce moment-là, je crois bien que mon instinct d'initiative avait pris des vacances. L'heure tardive, peut-être. Un verre de trop, sûrement. Trois putain de secondes d'éblouissement avaient suffit à faire basculer la vie de quelqu'un. Le choc avait été sec, et malgré mon esprit embrumé par l'alcool, j'avais réussi à me lever, à tituber jusqu'au jeune homme, et à décrocher mon téléphone. Il y a un homme, sur la route. J'crois qu'il a perdu beaucoup de sang de la tête. J'sais pas si il est mort. La brume dans mon cerveau me faisait dire n'importe quoi. Ironie du sort, je venais d'obtenir mon diplôme d'ambulancière dans la journée, youpi ! cette pensée m'avait fait ricaner amèrement. J'ai vu les lumières de l'ambulance - ahah ! - au loin, alors je suis montée dans ma voiture, et je suis partie. Où ça ? rentrer chez moi, continuer ma misérable vie alors que celle d'un homme était sur la balance par ma faute. Mais moi, moi, j'étais rentrée chez moi, comme tous les soirs. J'avais allumé la télé, comme tous les soirs. J'avais foutu un plat à réchauffer dans le micro-onde, sortit une canette de coca, prit ma douche, alors qu'il était à moitié mort. Et je crois que le moment où j'ai vraiment compris, où j'ai vraiment réalisé, c'est quand je me suis recroquevillée dans mon canapé.