Le silence règne dans le bloc opératoire. Seul le bruit léger des instruments de Taylah se fait entendre tandis qu'elle travaille. Mon regard ne quitte pas une seconde ses mains. Attentive, j'analyse chacun de ses gestes qui ne me permettent que de constater l'étendue de son talent. Comme à chaque fois que je me retrouve au bloc avec elle, je reste bouche bée devant l'assurance avec laquelle elle opère. Tout est parfaitement maîtrisé, la précision dont elle fait preuve est exceptionnelle. Bien sûr, c'est le métier qui veut cela, en neurologie encore plus qu'ailleurs la moindre erreur peut avoir des conséquences dramatiques. Mais j'ai également pu voir les autres neurologues de l'hôpital en action, et aucun ne peut se vanter d'avoir un tel savoir-faire. Taylah les bat tous à plate couture. Rien d'étonnant donc à ce qu'elle soit à la tête de son service et que Moore ait fait le voyage à l'autre bout du pays pour la débaucher.
Les minutes s'écoulent tandis que je continue de l'observer religieusement. Un coup d'oeil à la pendule m'indique que cela fait déjà plus de trois heures que l'opération a débuté. J'étouffe un bâillement de manière ostensible. Ayant été bipée en urgence au petit matin, la journée a été très longue. A présent qu'elle touche à sa fin, les effets de ma nuit écourtée se font nettement ressentir. Si le manque de sommeil est le fardeau habituel des résidents, j'ai toujours eu beaucoup de mal à l'accepter. La fatigue me donne une mine épouvantable et je n'arrive jamais à rattraper les dégâts causés par les cernes sur mon teint. Je décide tout à coup de lâcher l'affaire, profitant du fait d'être en solo sur cette opération, sans titulaire accolé pour me surveiller. Une infirmière s'écarte pour me laisser rejoindre les quelques magazines que j'avais apportés en prévision. Tirant un tabouret à roulettes d'un coin de la salle, je m'installe face au moniteur pour garder un oeil dessus et entame la lecture du dernier numéro de Vanity Fair.

ROSE AND TAYLAH

Elle est concentrée. Une fois qu'elle rentre dans la salle d'opération rien n'est important. Tous ses problèmes de vie ne sont que de lointains souvenirs. Certains dissaient que c'était un don. Dans sa salle d'opération, le patient n'était que la seule chose qui lui importait. Elle n'avait jamais comprit comment cela pouvait être possible, mais ce l'était. Et cela depuis sa première journée d'internat. Rien n'allait l'arrêter et après chaque opération, elle savait qu'elle avait tout fait pour son patient, peut importe comment celle-ci se terminait. Et voilà qu'elle se retrouvait à nouveau dans sa salle, scalpel à la main, lunette sur les yeux, lumière alumé. Elle ne dissait rien, ne faisait que travailler tranquillement, l'interne la regardait sans rien dire alors que le résident ne faisait que l'aider tranquillement. Elle leva le regard deux secondes pour voir Rose se diriger vers l'arrière et lire, elle sourit tranquillement. Rose était une de ses rares personnes que Taylah était capable de travailler avec sans se soucier de rien. Elle savait que la jeune demoiselle allait être extraordinaire dans son travail et que ceux qui allait travailler avec allait pouvoir toujours compter sur elle pour son travail.

Elle retourna à son travail. Tout allait bien, elle avait presque terminé, elle savait qu'elle allait surement terminé beaucoup plus rapidement que prévue. Une opération de trois heures étaient bien, pendant trois heures elle était à elle-même. Alors que d'autres préféraient parler, elle, elle préférait travailler. Plusieurs dissaient qu'elle était froide et plusieurs préféraient ne pas travailler avec elle, mais elle avait une passion et comptait bien faire son travail le mieux possible. Elle avait un des niveau de décès les plus bas et comptait bien le continuer comme cela. Mais soudainement, les moniteurs commencèrent à sonner. Elle leva les yeux vers les moniteurs. « Non. Non. Non. Aller. » Elle se parlait à elle-même. Elle n'avait rien fait, tout était bien, mais il était en train de mourrir sur sa table et elle devait trouver une solution.