Oslo, Norvège, 1990
La Norvège n'était qu'une halte parmi tant d'autre, elle ne devait être qu'un rapide arrêt afin de rassurer la famille de la future mère qui s’inquiétait avec une amplitude démesurée. L'hiver s'était emparé de toutes les collines, tuant chaque parcelle de fleur et verdure, laissant ainsi ce manteau blanc perdurer et s'installer. L'aéroport devenait difficile d'accès, rendant l'atterrissage plus complexe, la piste s'affirmant glissante et dangereuse au cœur de cette tempête. L'arrivée s'était cependant déroulée dans une sérénité exemplaire qui tendait à calmer la nature déridée. Fort heureusement pour le jeune couple, les voitures semblaient parfaitement être équipées pour surmonter ce fin voile blanc qui était davantage robuste qu'il ne le laissait prétendre. Le trajet ne demandait que quelques minutes pour être réalisé, et le soulagement envahissait rapidement les poumons du couple qui se retrouvait choyer par la chaleur de la demeure qui procurait un réconfort non négligeable. La braise du feu dansait avec les cendres éparpillés, tandis que les discussions valsaient entre les bouches indiscrètes qui demeuraient toutefois limités. L'union du jeune couple s'était réalisée deux ans auparavant au pied d'un hôtel ancien qui se retrouvait fixé par l'ensemble des invités. Le mariage qui n'était qu'une formalité, un moyen par lequel démontré l'amour profond de deux êtres, était devenu une nécessité si le désir de procréer se manifester pour le jeune couple. Tout était programmé pour que leur enfant naisse en Angleterre dans l'une des meilleures cliniques. Néanmoins, le destin semblait désirer offenser leurs choix, déclenchant les contractions chez la jeune femme en pleine nuit qui donnèrent naissance à une petite fille au teint pâle qui rappelait indéniablement la saison actuelle.
« Riley. ». Le dernier souffle de sa mère qui exprimait une fatigue hors norme et qui marquait l'abandon de l’inquiétude.
Londres, Angleterre, 1997
Aider sa mère. C'était une obligation qui n'était pas dans la mesure d'être déclinée, tout comme les visites menstruelles en Norvège près de Oslo de la famille maternelle de la jeune fille. Chaque mois possédait son lot de surprise, notamment la perception du développement incroyable de la petite princesse de la famille. Le sourire qu'affichait son visage laissait sans la moindre once de doute un pressentiment encourageant.Son tempérament laissait naître des étoiles multiples dans les pupilles de ses grands parents, et quand à ses parents, ils étaient tout simplement envahit par une joie sans précédent. Son attitude était angélique et son sang froid étaient tout simplement miraculeux. Ce dont la jeune fille était loin de s'imaginer en ouvrant la porte de la demeure, c'était d'apercevoir l'ensemble de sa famille norvégienne en compagnie de la famille du côté de son père. Tous étaient paisiblement assis sur le canapé du salon, tandis que des étoiles filaient dans les yeux de la petite blonde. Elle ne parvenait pas à saisir la raison de leur venue, mais l'enthousiasme chassait toute volonté de possession de vérité. Ils étaient là, et c'était le plus important pour elle. Seulement, un détail pourtant futile ne passait pas inaperçu aux yeux encore enfantins de Riley. Ses parents demeuraient sans surprise à la vue de la famille entière, ce qui ne tardait pas à attiser les doutes chez la petite fille et le petit garçon. Était-elle la seule à être si heureuse ?
« Ma chérie, mon petit prince, maman, papa, belle-maman, beau-papa, et tous les autres, nous souhaitons vous annoncer quelque chose. » Un grand silence se hérissait dans l'ensemble du salon, délaissant au centre de l'action ces quelques mots qui pendaient aux lèvres de sa mère, lui laissant envisager des multiples jouets.
« La famille va s'agrandir. » Elle était prête à espérer absolument tout, sauf ce que venait de déclarer son père qui retentissait comme l'éclat d'une bombe. Un frère ou une petite sœur, encore, mais pourquoi ça ? Elle se sentait en parfaite harmonie dans cette demeure, s'alliant avec le calme et la sérénité et son unique frère. Cette première annonce faisait l’unanimité au sein des esprits, laissant l'avis de Riley dans la peine ombre.
Londres, Angleterre, 2006
L'été battait son plein, le soleil devenait rude, le vent absent, et la nature était en pleine effervescence. Le camping de la semaine passée perdurait dans les souvenirs de la jeune fille âgée de seize ans qui se retrouvait à lézarder sur sa serviette en compagnie de son frère sur la terrasse arrière de la demeure. Ne rien faire devenait une activité appréciée par la jeune fille, activité qui venait s'additionner à de nombreuses autres activités qui plaisaient davantage à ses parents. Ces vacances se laissaient encore profilées sur un long chemin aphrodisiaque, et rien ne semblait pourvoir intervenir. Plongée dans un semi sommeil, un bruit sourd qui exprimait le fracas d'un objet contre le sol venait de procurer un sursaut général sur l'ensemble de son corps. Le regard de son frère portait vers la baie vitrée, et la norvégienne ne pouvait que s'accorder sur cette réaction. Dans l'empressement, elle se relevait furtivement, manquant de tomber sur le bois de la terrasse, avant d'arriver saine et sauve dans l'enceinte de la maison. Interloquée, elle pouvait toutefois ressentir la présence de son frère derrière son épaule, tandis que ses pupilles s'attardaient sur l'état de la cuisine. Une tempête ménagère semblait être passée par là, mais son esprit tentait en vain de lui faire croire le contraire, seulement les débris ne se laissaient pas accorder le bénéfice du doute. Des éclats de verre, des assiettes brisées de toute part ornés le sol d'un éclat farfelu. Un mouvement incertain accrochait la vue de la jeune fille qui n'observait plus, mais qui dévisageait sans le moindre scrupule son père, les mains dans un torchon imbibé d'une couleur vive reflétant les champs de coquelicots.
« Un problème les enfants ? » Sa voix ne perdait pas de son assurance, mais les deux jeunes étaient clairement paralysés par la situation qui demeurait incompréhensible à leur yeux.
« Papa, tu saignes .. et .. où est Maman ? » Son frère venait de parler sur un ton renfrogné, qui laissait cependant sous entendre la confusion générale. Se heurtant face au silence de leur père, le jeune homme prenait les initiatives, se rendant subitement à l'étage, laissant Riley seul face à la solitude. Son oreille n'était pas si perspicace que cela, mais entendre les sanglots provenant de l'étage n'était pas bien difficile. Ses membres restaient de marbre, ses lèvres tendaient à se détendre mais les sons ne parvenaient pas à naître.
« Papa … » Il se frottait les mains inlassablement, le regard vide et perdu.
« Ce n'est rien ma chérie. Tout va bien. Retourne sur la terrasse tu veux ? » L'envie d'ignorer ce qu'il venait de se produire ne s'éprenait pas d'elle, mais le regard déterminé de son père laissait sous entendre qu'obéir était nécessaire, et ne pas attiser la rage du dragon. Fuyant le regard lourd de celui-ci, elle se dirigeait telle une furie à l'étage, curieuse et surtout envahit par la peur. Ce regard, jamais elle ne l'avait vu auparavant et la sensation de froid s'emparait de son sang. Prête à franchir le seuil de la porte, une discussion émanait de la chambre de son frère. Se stoppant instantanément derrière la porte, elle se collait contre le mur, attentive aux moindres paroles.
« Ton père a mené une double vi-vii-e. » Son sang ne fit qu'un tour, son cœur battait terriblement fort, et la sensation de malaise s'établissait maître de son corps. Saisie soudainement de pulsions, elle dévalait sans raisonnement rationnel les escaliers sur le lieu de l'éclatement. Furieuse, elle fonçait droit sur son père qui restait confus face à la situation.
« J'TE DETESTE ! J'TE DETESTE ! » Ses mains frappaient machinalement le torse de son père, tandis que des cris aigus s'accaparaient le creux de ses lèvres, qui ne tardaient pas à convier son frère et sa mère à les rejoindre. La violence avait toujours été bannie de cette demeure, mais les règles, à cet instant ne comptait absolument pas. Une force extérieure épousait son ventre, et bientôt, la personne de son père n'était plus qu'un lointain souvenir intouchable, les coups délivrés à son frère qui venait de s'illuminer tel un héros.
San Francisco, Amérique, 2009
L'atmosphère familiale était devenu pesante, s’alourdissant d'année en année depuis le terrible aveu. Pourtant, le tableau si parfait de la famille idéal perdurait dans les esprits des voisins, des amis, et de la famille. Le divorce n'avait même pas effleuré leurs esprits, quand bien même Riley s'était évertuée à le répéter à sa mère qui résistait de façon irrationnelle. Rien n'avait changé, si ce n'est l'ambiance qui était devenue électrique et insupportable. Son père n'avait pas quitté les lieux, et sa mère ne l'avait pas mis à la porte, ayant prit la décision de passer l'éponge sur cette période sombre. Toutefois, la petite norvégienne qui avait perdu son visage angélique ne jugeait pas du même œil les faits, noyée sous une haine magistral. Elle détestait son père, et chaque jour, elle le lui faisait ressentir davantage par les mots, les actions et les regards. Son cœur l'empêchait de pénétrer dans cette zone qui était devenue hautement sécurisée. Elle ne le détestait pas d'une façon temporaire, elle le haïssait pour de vrai. Ce moment, elle l'avait tant attendu. Celui où la majorité l'aurait encerclé, lui donnant d'immenses possibilités, comme celle qui venait de devenir réalité, en rejoignant son frère à San Francisco. S'éloigner de sa famille, de son père qu'elle ne pouvait plus supporter, et se rapprocher de la ville où tout était permis, où ses rêves pourraient devenir réalité, là était son ambition principale. Ce n'était plus des kilomètres qui la séparerait de cette famille détruite, c'était un océan entier, une étendue d'eau qui lui assurerait une vie paisible, cependant toujours assurée d'une crainte intouchable.
San Francisco, Amérique, 2013
L'apprentissage qui en premier lieu s'était vu attribuer une image de longue durée était en réalité bien plus vite passée qu'elle ne l'avait prévu. Plongée dans le monde du médical, elle ne pouvait désirer meilleure situation depuis son adolescence. Ses mains exerçaient ce qu'elle appréciait, aider les autres dans des situations difficiles, les sauver d'une certaine manière. Nul doute ne planait quant à la fierté que ses parents auraient éprouvés face à son parcours, mais la réalité était telle qu'ils ne détenaient aucunes informations quant à son projet professionnel devenu réalité. Couper les ponts étaient devenus de façon ostentatoire une partie intégrante de sa vie, du jour au lendemain, ses parents étaient devenus de vieux souvenirs houleux auxquels repenser étaient difficiles. Elle était devenue volontairement une petite fille orpheline, alors que des tas d'enfants priaient pour obtenir un refuge, une famille. Ses frères partageaient cependant encore sa vie, même si le plus jeune laissait quelques tensions se créer, ne cessant de désirer une réconciliation complète de la famille. L'hôpital qui se fout de la charité oui. S'éternisant dans son élan d'entêtement, Riley entamait alors sa première année en tant qu'infirmière en bloc opératoire à poste fixe dans l'hôpital de San Francisco, n'attendant qu'un seul acte de son frère agaçant pour lui administrer un petit somnifère qui lui remettrait éventuellement les idées en place.