20 ans, San Francisco. + Tu étais à la bibliothèque quand tu reçus le coup de téléphone. Ta mère avait fini par succomber à son cancer. Au fond, tu étais soulagé pour elle car tu savais qu’elle n’en pouvait plus d’être dans cet hôpital. Elle y avait passé ses trois derniers mois et chaque jour avait amené une nouvelle dégradation de son état de santé. Tu y avais été tous les jours pendant trois mois mais la veille ta mère t’avait obligé à quitter les lieux car tu avais loupé beaucoup de cours et d’évaluations à l’université et même si les professeurs étaient compréhensifs, il y avait des limites. Alors tu avais passé la nuit sur tes notes de droit civil et tu avais été passer le test. Quand ton oncle t’appela tu étais en train de réviser pour le test du lendemain mais tu seras incapable de le passer celui-là aussi. Tu n’attendis pas une seconde de plus, tu pris la moto que ton oncle t’avait offerte et tu partais pour l’hôpital. Cela ne servirait plus à grand chose désormais mais même si ta mère ne pouvait plus te répondre tu avais encore des choses à lui dire. Et puis tu osais à peine penser à ta sœur et à l’état dans lequel elle devait être. Une fois à l’hôpital, tu croisais ton oncle qui s’occupait des papiers mais c’est ta sœur que tu allais retrouver. Assise sur un fauteuil dans une salle d’attente, les larmes coulant sur ses joues tu allais la prendre dans tes bras. Huit ans de différence, elle n’avait que douze ans et tu ne savais même pas quoi lui dire pour la faire sourire alors que d’habitude c’était ton travail. Tu la pris dans tes bras et les larmes commencèrent à couler sur tes joues. Tu ne savais pas combien de temps vous restâtes comme cela mais elle finit par ouvrir la bouche : « Je n’arrive pas à croire qu’elle est partie. » Dit-elle tout simplement. Tu ne lâchais pas ta sœur et tu finis par lui répondre : « Elle sera toujours là tu sais, elle sera toujours là en nous. » Tu savais que ta sœur allait partir vivre chez ton oncle. Tu ne pouvais pas la faire vivre avec toi, tu étais dans tes études et tu ne pouvais pas t’en occuper correctement. Ton oncle et vos cousins l’accueilleraient avec plaisir et tu seras toujours là pour elle mais pour l’instant tu ne pouvais tout simplement pas faire plus. « Ca ne me dérange pas d’aller vivre chez oncle Jack tu sais. Mais promets-moi que tu ne m’oublies pas d’accord ? » Tu déposais un bisou sur sa joue avant de lui dire : « C’est promis. » Tu décidais ensuite d’aller boire un café, tu en avais besoin et tu avais surtout besoin de te retrouver seul quelques minutes. Tu avais dit tout ce que tu avais à dire à ta mère les jours précédent, tu n’avais aucun regret à ce sujet. Tu aurais voulu qu’elle soit là pour ton mariage, pour tes enfants, pour te voir réussir tes études. D’ailleurs, tu n’en pouvais plus des études de droit que tu étais en train de faire. Elles t’étouffaient et tu n’y arrivais pas, cela ne t’intéressait pas. Mais tu ne savais pas vraiment quoi faire d’autre à vraie dire. C’est en allant à la machine à café que tu tombais sur le panneau d’affichage du service. Le nom des internes était surligné de certaines couleurs, des petits mots étaient épinglés, des opérations programmées. Tu pouvais déjà imaginer tous ces gens sauver des vies et c’est là que tu compris. Sauver d’autres personnes, les aider à guérir serait quelque chose de magnifique que tu te verrais bien faire. « Intéressé ? » demanda une voix derrière toi. Tu te retournais brusquement pour trouver une dame dans la trentaine en blouse blanche. « Désolé je … Je ne voulais pas espionner ni rien. » Finis-tu par dire. La femme te sourit en secouant la tête et s’approcha. « Je suis désolé pour votre mère, c’était une femme merveilleuse. Si vous pensez vous lancer dans la médecine, n’hésitez pas à nous contacter pour vos stages, je garderai votre nom précieusement de côté, je l’ai promis à votre mère. » Sur ce elle te souhaita bonne chance avant de rentrer dans une chambre. Tu n’en croyais pas tes oreilles. Alors ta mère avait eu la bonne idée de penser que tu t’orienterais vers la médecine ? Si elle t’encourageait en plus, tu pouvais le faire. Tu retournais ensuite voir ta sœur et ton oncle, c’était un nouveau commencement …

30 ans, San Francisco. + Tu avais toujours eu le chic de te mettre dans des situations pas possible et celle dans laquelle tu te trouvais en ce moment en était bien une. Tu avais fini par te reconstruire après la mort de ta mère même si cela avait pris du temps. Tu ne pouvais nier que te plonger dans tes études de médecine avait été d’une grande aide et tu les avais réussies avec brio. Tu étais aujourd’hui résident à l’hôpital et tu savais que dans quelques années tu serais chirurgien obstétricien sans aucun souci. Tu faisais ton travail, tu étais prêt à travailler plus en cas d’urgence, personne ne s’était plaint de toi depuis que tu avais mis les pieds dans l’établissement en tant qu’interne plusieurs années auparavant. Tu étais plus âgé que tous tes collègues mais cela n’avait pas la moindre importance pour toi. Du moment que tu réussissais à atteindre ton objectif, peu importe l’âge que tu avais. Mais un hôpital c’est une véritable micro société et tu avais mis du temps à comprendre pourquoi tous les chirurgiens semblaient mariés entre eux. Il t’avait fallut un an pour comprendre que cela allait devenir difficile d’avoir une vie très développée en dehors de l’hôpital. Ce temps là tu l’utilisais pour aller voir ta sœur et la famille qui te restait et c’était à peine si tu avais encore le temps de faire ça. Seul un docteur peut supporter ça chez son conjoint ou alors quelqu’un de très compréhensif prêt à faire des sacrifices. Tu avais eu plusieurs aventures avec des internes que ce soit des filles ou des garçons, tu avais accepté depuis très longtemps maintenant ta bisexualité et elle ne semblait gêner personne à l’hôpital ce qui t’arrangeait parce qu’il ne manquerait plus que tu tombes sur un homophobe. L’année précédente, tu étais tombé sous le charme d’un collègue, plus jeune que toi mais dans la même année que toi à cause de tes deux années de droits qui au fond se sont avérées assez utiles car tu connais la loi. Tu n’avais pas pu résister et bientôt tu entretenais une relation secrète avec Brant qui était aux yeux de tous en couple avec une magnifique jeune femme tu ne pouvais le nier. Mais cette situation te pesait. Tu évitais d’en parler et tu prenais sur toi mais au fond tu n’en pouvais déjà plus. Alors quand tu mis le nez dans le bureau un matin et que la copine de Brant était entourée de ses collègues en train de pousser des cris de stupeur et de félicitations, tu compris. Il ne fallait pas être un grand géni pour comprendre que la demoiselle avait une bague sur son doigt et il n’y avait qu’une seule personne qui avait pu la lui donner. Tu décidais de quitter la salle de suite, il fallait que tu mettes un terme à tout cela avant que cette mascarade ne finisse par te bouffer tout entier. Tu trouvais Brant à la salle café en train de parler avec un interne. Quand il te vit arriver il s’excusa et vint te voir. La salle était désormais déserte, tout le monde était occupé avec des patients ou à observer une bague. « Je viens te féliciter, ta fiancée a eu la gentillesse de me montrer sa bague. » Ce n’était pas vrai mais il n’avait pas à le savoir. Ce dernier ne se sentait plus aussi à l’aise, tu pouvais le voir. « Jonah je … » Tu le coupais, tu n’avais pas envi d’entendre ses explications ou ses excuses. Tu avais juste envi de rentrer chez toi et de ne plus en sortir pendant trois jours mais cela n’était pas possible non plus. « Je ne veux même pas entendre tes explications Brant. Tu comptes continuer à tromper ta future femme combien de temps ? C’est un manque de respect pour elle et pour moi par la même occasion. C’est sympa d’être le gars que tu sautes de temps en temps mais tu vas te marier, tu as fait ton choix. » Tu le pensais, tu pensais sincèrement ce que tu étais en train de dire et pourtant, tu savais que si Brant se pointait chez toi dans la soirée ou le lendemain ou n’importe quand tu serais encore incapable de résister. Chacun sa drogue comme on dit n’est-ce pas ? « Ne dis pas n’importe quoi Jonah, tu sais bien que ce n’est pas ça c’est juste que … c’est plus facile. » Tu ne pus t’empêcher de laisser échapper un petit rire. Facile vraiment ? « Quand tu seras prêt à assumer que tu es homosexuel et pas du tout amoureux de ta femme on en reparle. Pour l’instant laisse-moi tranquille. » Tu quittais la pièce avant de te diriger vers le premier patient qui était sur ta liste. Tu n’avais vraiment aucune envie de penser à tout cela maintenant, tu le feras dans la soirée. Et le pire dans tout cela, c’est que tu savais très bien que tu ne tiendrais pas une seule seconde …

34 ans, San Francisco. + Tu avais pris ton courage à deux mains et tu l’avais fait. Tu avais mis fin à la relation que tu entretenais avec Brant. Ta sœur t’y avait poussé et au fond de toi tu savais qu’elle avait raison. Et pourtant, cela ne rendait pas les choses plus faciles. Tu croisais Brant tous les jours à l’hôpital même si tu faisais tout pour l’éviter et tu savais qu’au fond de toi tu pouvais coucher avec des dizaines de femmes et d’hommes, tu ne pourrais pas faire disparaître les sentiments que tu avais pour ton collègue. Il avait été impossible pour toi de résister au début et c’était ce qui t’avait mené à cinq ans de relation cachée aux yeux de tous. Tu étais toujours surpris que personne ne se soit rendu compte de rien surtout la femme de Brant mais désormais tu en avais terminé avec tout cela, tu ne pouvais pas vivre le reste de ta vie caché des yeux du monde. C’était un style de vie que tu détestais et après cinq ans, tu ne croyais plus une seule seconde que Brant allait faire quelque chose pour changer la situation. Parce que oui, c’est cet espoir aussi qui t’avait permis de te dire que tout se règlerait un jour mais ta sœur avait raison, tu n’étais qu’un idiot. Mais un idiot amoureux et ne dit-on pas que l’amour fait faire n’importe quoi ? Pour l’instant, même si tu savais que c’était le bon choix tu n’arrivais pas à être plus heureux, tu étais même beaucoup plus malheureux malgré le fait que personne ne semblait avoir rien remarqué. Et il était hors de question que tu le montres à Brant, c’était de sa faute après tout. Ta sœur voyait à travers ton jeu par contre, enfin ta demi-sœur. Ton père avait quitté ta mère avait que tu sois né et le père de ta sœur n’avait pas tenu beaucoup plus longtemps. Depuis la mort de votre mère c’était vous deux contre le monde et depuis qu’elle n’avait plus de logement elle avait décidé de squatter ton appartement pour le meilleur mais surtout pour le pire. Un soir, tu ignorais où elle était car l’appartement était vide quand tu étais rentré. Tu avais mis ton survêtement préféré et tu t’étais mis devant la télévision mais tu la regardais à peine. Tu laissais les souvenirs t’envahir, tous les souvenirs qu’ils soient de ta mère, de Brant, de ton oncle, de ta sœur … Et c’est quand cette dernière vint te prendre dans ses bras que tu te rendis compte qu’elle était de retour. « C’est pour le meilleur Jo’, tu verras. » Tu la serrais contre toi sans lui préciser que tu avais du mal à voir comment c’était pour le meilleur toute cette histoire. « Tu étais où ? » Elle te sourit avec son petit sourire en coin avant de dire : « Je doute que tu aies très envi de connaître mes activités en dehors de mon travail. » Tu la regardais d’un regard dégouté. Non, tu n’avais pas envi du tout de savoir ce qu’elle avait pu faire. « Ne partage pas alors et va préparer le repas. » Elle sembla indigné par cet ordre que tu venais de lui donner mais tu n’en avais rien à faire. « Tu viens squatter mon appartement sans payer de loyer, tu peux au moins faire à manger. Pense à ce que je te préparerais sinon … » La cuisine ce n’était pas pour toi et ta sœur comprit rapidement. « Ca va, j’ai compris … » Elle se dirigea donc vers la cuisine. Plus tard dans la soirée, tu étais au lit en train de dormir tranquillement quand ton téléphone sonna. Tu étais debout en quelques secondes et en décrochant tu appris qu’une de tes patientes venait d’être admise à l’hôpital et qu’ils avaient besoin de toi. Tu ne pris même pas le temps de te changer, tu n’en avais pas le temps. Tu avais des habits à l’hôpital si tu avais le temps avant qu’elle n’accouche mais tu ne voulais pas prendre le risque. Tu avais une voiture aujourd’hui mais tu ne l’utilisais presque jamais, la moto c’était beaucoup plus pratique pour arriver rapidement à l’hôpital. Finalement tu y passais la nuit et c’est le lendemain matin que tu mis au monde deux parfaits petits bébés. Oui, tu étais devenu spécialiste dans la naissance des jumeaux. Tu ne sauvais pas des vies comme tu l’avais imaginé mais tu avais droit tous les jours à de nouvelles naissances et rien ne te faisait plus plaisir.

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