Il est 22h30 et je n'ai pas posé mes fesses depuis près de 24h. Ma garde se passe aux urgences et bien sur, c'est quand j'y suis qu'un nombre incalculable de blessés se pointent. J'adore mon métier et je ne m'en plains jamais mais parfois j'aimerais bien avoir un peu plus de temps pour souffler. Ne serait ce que pour remettre de l'ordre dans mes idées et réfléchir plus vite aux traitements. J'ai quand même pris le temps d'aller fumer quelques cigarettes sinon je ne tiendrais jamais. Heureusement pour moi, ma garde se fini d'ici 30mn si personne n'arrive entre temps. Et j'espère vraiment que ça sera le cas. De toute façon j'ai des dossiers à remplir et je ne peux pas guérir en même temps. Il faudra donc que quelqu'un y aille à ma place si on a besoin d'aide.

Je jette mes gants à la poubelle après un examen et regarde autour de moi. Personne n'a l'air débordé. Il est donc temps de saisir cette occasion. Ni une ni deux je m'en vais me cacher derrière le bureau de l'accueil et m'assois enfin sur un des fauteuils qui s'y trouve. Mieux qu'un orgasme, je le jure. Mes yeux se ferment deux secondes pour profiter du moment. Je me rends alors compte que la fatigue n'est pas si loin. Plus que 30mn à tenir et je pourrais enfin aller me reposer.

Il est déjà bientôt vingt-trois heures et je sais que j'en ai encore pour pas mal de temps. Avec un peu de chance, je pourrais rentrer chez moi demain dans la journée. Mais pour l'instant, après les quelques patients que j'ai du aider dans la journée, étant résident en psychiatrie, je n'ai plus personnes à aller voir avec mes collègues. Eux décident d'aller prendre un café, moi je préfère sortir un peu. J'étouffe ici. Et je sais même pas si je n'ai mis un pied dehors aujourd'hui. Je n'en aucunes idées. Je me rappelle plus. Je passe tellement de temps ici, que parfois je me demande quelle heure il est. Comme certains des patients de mon groupe de résidents, enfermés ici, qui perdent la notion du temps. Sauf que moi... Je ne suis pas enfermé. Même si ça demande beaucoup de travail, d'acharnement et de volonté, j'aime ce que je fais. J'ai choisi d'être ici, et je le vis bien. Après tout, je suis sûr qu'il y a pire. Il y a toujours pire. Même s'il y a mieux. Enfin bref, trêve de philosophie. 

Un petit quart d'heure plus tard, après avoir marché quelques mètres, respirer à plein poumon l'air frais de la nuit, je me rends conte que l'on ne m'a pas bipé depuis un petit moment. Raison de plus pour aller me reposer un peu voir dormir une heure ou deux dans n’importe qu’elle salle de garde. Ce n’est pas très sérieux mais la, dans la seconde, je m’en fou. J’ai juste besoin de me détendre un peu. Et ça tombe car quand je rentre dans la salle de garde de l’étage numéro deux – qui n’est pas le mien, habituellement – que je pensais vide, je vois une jolie fille, sûrement à peine plus jeune que moi. D’un coup, je me sens réveillé. C’est comme si le simple fait d’avoir croisé son regard m’avait réveillé pour le reste de la soirée.

Sans m’occuper de son avis, je m’assois à coté d’elle sur le petit canapé prévu à cet effet. « Salut ma belle. » dis-je en la dévorant des yeux. « Alors toi aussi tu viens te détendre un peu ? » Facile comme entrée en la matière, mais je sais qu’elle ne me résistera pas. Puis j’ai bien l’intention de la faire craquer.

J'ouvre les yeux en entendant du bruit à côté de moi. Un mec, que j'ai déjà vu ici et là, vient juste de s'asseoir sur le canapé où je me trouve. Je le regarde et roule des yeux en l'entendant m'appeler "ma belle". Pitié quoi. Cette approche existe donc toujours ? Elle aurait du être enterrer avec le vingtième siècle. Qu'on me trouve jolie je ne dis pas mais qu'on me surnomme ma belle.. Et puis me demander si je viens me détendre aussi alors qu'on est dans une salle de garde. Ca va de soit que j'y suis pour me reposer. Je sens tout de suite qu'il va être lourd mais j'ai pas la force d'être méchante. Je peux l'envoyer chier bien sur mais bon. J'ai pas envie d'être méchante et de faire ma salope. Alors, dans cette élan de gentillesse et de flemme je lui souris. « C'est exactement ça oui. ».

Je le regarde d'un peu plus près et peux observer qu'il n'est pas dégueulasse à regarder. Au contraire même. Il est plutôt beau gosse dans le genre. Il fait un peu bad boy je trouve. Et très dragueur aussi, qui sait user de son charme. En même temps il a raison de profiter de son physique. J'espère juste que je ne me laisserai pas faire parce que me connaissant c'est fort probable que ça arrive. Je suis parfois trop facile à atteindre. « Et toi ? T'es en pause ? » Et voilà, je tombe dans son jeu. Qu'est ce que je peux être stupide parfois.

Bon, ok, c'était vraiment pourri comme approche. C'était aussi une question très conne, étant donné du lieu. Mais bon, tant pis. Ca n'a pas l'air de la faire fuir ou de la repousser, du moins. Et puis, même si j'ai l'air d'un ado pré-pubère en l'accostant comme ça, quelle fille n'aime pas que l'on lui dise qu'elle est belle ? Franchement, la question ne se pose même pas. Quoi qu'il en soit, elle fait d'abord une tête bizarre suite à mes paroles puis finalement me regarde - comme me regarde toutes les filles - et me répond, le sourire aux lèvres. «  Ouais nan en fait ma question était totalement conne. »

Très peu de centimètres nous séparaient. J'étais presque coller à elle et c'était voulu, bien entendu. Je suis complètement tourner vers elle, observant son visage, ses cheveux, sans retenues. Et puis je en vois pas pourquoi j'en aurais. Encore une fois, les filles aiment ça. Enfin, je suppose, ce n'est pas si j'avais vingt ans de plus qu'elle. Je vois bien que malgré ses efforts, elle pensait se retrouver toute seule ici. Si j'avais la volonté et le courage, je me lèverais et la laisserais en paix. Mais ce n'est pas dans mes plans. Je suis sur que, finalement, on avoir pleins de choses à se dire. Sur le même ton, je réponds à sa question. «  Disons que pour l'instant, on a pas besoin de moi. Et tant mieux. Pas la peine de te poser la question, c'est pareil pour tout le monde. » Je la fixe toujours, sans me lasser - c'est quelque chose que j'aime bien faire ça, regarder les filles comme elle au risque de paraître flippant - et un sourire s'affiche au coin de mon visage.

J'étais partagée entre mon attirance évidente pour lui parce que soyons sincère il est canon et mon dégout profond pour sa manière de m'approcher. Ca se voit à sa gueule que c'est un gros dragueur et qu'il a l'habitude d'avoir la plupart de ses proies. Je savais d'avance qu'il allait m'avoir d'ailleurs et me détestais pour ça. Pour le moment il fallait que je paraisse distante et pas du tout intéressée. « La réponse était surtout évidente. »

Je ne connais pas ce mec et le voilà à deux centimètres à peine de moi. C'est assez étrange comme situation parce que quand ça t'arrive dans le bus tu t'en fou vu que t'es entouré d'inconnus mais là on est que tous les deux, dans une salle de repos et même si je ne le connais pas plus que les passagers du bus c'est différent. « Bah en fait nan, j'ai fini ma garde moi. » La vérité c'est que je reste là parce qu'en tant qu'interne je veux être présente si jamais on a besoin de moi et ça le plus vite possible. Alors à la fin de mes gardes je reste un peu plus longtemps au cas ou. Parfois je dors même là comme ça je suis plus rapidement sur les lieux. Je me tâte d'ailleurs à faire ça ce soir mais en sentant son regard insistant sur moi comme ça je me dis que peut être il vaudrait mieux partir. Genre maintenant. Pourtant j'arrive pas à bouger. Ou alors j'en n'ai pas vraiment envie.