Louise, je t'ai dis que tu peux me confier à moi, quand tu veux, où tu veux. Je ne suis pas le type méchant, je veux t'aider. Et crois-moi, si tu ne me parles pas, tout ça ne s'arrangera pas d'office. J'ai besoin que tu t'ouvres à moi. Je sais que c'est difficile, cependant primordial. Je détourne la tête et prince des lèvres. Premièrement, je n'aime pas qu'un étranger me nomme par mon prénom. Secondairement, je n'ai aucune envie de parler avec lui de ma vie privée, de ce que j'ai vécu. C'est beaucoup trop intime. Je sais, je suis assez pudique comme fille, mais je l'assume totalement. Je me tais, les joues rosies par les paroles du médecin traitant. C'est un psychologue. La première fois que je l'ai vu, je n'ai pas été très gentille avec lui. Je lui ai répété que je n'étais pas folle et l'ai carrément rejeté. Ca m'a fait mal au coeur quand je l'ai rencontré. Que ma mère m'envoie à l’hôpital après tout ce qu'elle m'avait fait subir, c'est se foutre de la charité. Ma mère. Un sujet difficile à aborder. C'est ce qui m'empêchait de me livrer aujourd'hui au médecin Seymen. Elle m'avait fait sentir comme une moins que rien, comme sa petite fille qui n'arrivera jamais à son niveau. La colère commence à me brûler le sang. Si seulement je pouvais crier haut et fort cela à quelqu'un... si seulement je pouvais déverser toute la frustration et la révolte que j'emmagasinais depuis mon enfance. Bon, je te laisse méditer cela. Je repasserai plus tard Louise. Je jette un regard accrocheur mais non moins dur au brun. Je déteste ma mère. Voilà, je l'ai craché à sa figure, content ? Ça me fait peur de m'être ouverte dans un moment de faiblesse. Ça me fait aussi du bien. Je peux enfin parler d'elle comme je la perçois. Je la déteste. La colère est tellement intense que j'en perds mes sens. Je sens mes yeux s'emplir de larmes chaudes et salées. Je résiste et retient en otage. Monsieur Seymen est tout d'un coup intéressé et se rassoit rapidement sur la chaise. Lâche le morceau. C'est entre toi et moi, tu n'as rien à craindre. Je fronce les sourcils. Il ne faut pas dramatiser la situation, c'est pas comme si ma mère me battait ou quoique ce soit. Je suis juste arrivée ici à cause de mes propres décisions. Je ne mangeais plus. C'est justement ma mère qui m'a envoyé ici. Ce n'est rien de grave docteur. C'est juste que... j'en ai tellement marre d'elle. Le médecin se rapproche de moi et commence à sortir un bloc-note. Attendez... vous allez montrer à ma mère ce que vous écrivez ? Moment de frayeur. Non, non, ne t'inquiète pas Louise, le secret médical me l'interdit. Il me fait un clin d’œil et je me ressens confiante. Je me tords les doigts rien que de penser me confier à cet inconnu. Je suis consciente que je dois lui révéler ce que je porte sur les épaules, mais ça a du mal à sortir de ma bouche. Je déglutis. Je me suis toujours sentie inférieure à elle. J'ai presque l'impression qu'elle le faisait et qu'elle le fait encore exprès. C'est une mannequin qui a percé dans le métier et elle est fière de sa carrière. Moi aussi d'ailleurs! Seulement, elle veut être celle qu'elle était et je sais que je n'arrête pas de la décevoir. Des soirées Miss par-ci, par-là, et je gagnais rien. J'étouffe un rire nerveux. Ma mère s'est toujours préoccupée de mon physique. Je fais une pause. Est-ce que je peux lui en parler ? J'hésite, puis je me lance. J'ai fais tout mon possible. Seulement, elle a eu l'audace de coucher avec mon petit-ami. Je me mords la joue. Disons que ça m'a foutu le blues quoi. Quelle mère ferait ça à sa fille ? Et comme d'habitude, elle a fait comme si rien ne s'était passé. Une vraie autruche ma mère. C'est peut-être le seul truc que je ne lui pardonnerai jamais. Que je ne sois pas à sa hauteur, je l'encaissais, mais ça... non. Je n'ose pas regarder le psychologue. Il doit nous prendre pour une famille de fou. Oui, je vois. J'ai rencontré votre mère et c'est vrai que c'est un phénomène rare. Il me fait un clin d'oeil. Je suis surprise, mais amusée par sa petite remarque. Oui, c'est vrai. Je lui souris plein de malice. Il a du se frotter à ma mère qui n'a surement pas hésité à le draguer. Ainsi était-elle, ainsi le restera-t-elle.

(...)

Je rentre du boulot. Il est tard, un des inconvénients d'être présentatrice de télévision. Certes, on me reconnait parfois dans la rue, j'ai le droit à mes instants de gloire, mais travailler la nuit, c'est assez difficile, surtout depuis que je suis fiancée. Cela fait cela à peine quatre mois qu'on se connait, mais à l'époque il me semblait évident que c'était l'heureux élu de mon coeur. Je vivais les plus beaux jours de ma vie jusqu'à ce que j'emménage avec lui. Je savais à quel point il devenait hésitant lorsque j'abordais ce sujet. Je n'aurais jamais deviné l'origine de sa peur si je n'avais pas emménagé chez lui par obligation. Durant les quelques semaines que j'ai vécu avec Tony, j'ai découvert qui il est réellement. Fou. Mais un fou pour qui j'ai de l'affection et que je n'abandonnerai pas. Tony ? Tu es là ? J'allume l'ampoule du salon et me retrouve devant un foutoir. Le tapis est retourné, quelques biblos par terre, un rideau déchiré. Soudainement, mon coeur se mit à battre la chamade. J'ai déjà vécu cette scène, au moins trois fois. Toutes se sont mal terminées. J'ai passé le reste de ma soirée aux urgences. Le pire, c'est qu'après être recousue, je suis rentrée dormir ici, avec le même homme qui avait osé lever sa main sur moi. Tony... Le dénommé se lève doucement du fauteuil où il s'était vautré. Je frissonne en voyant son air contrarié. Où t'étais ? Je t'ai attendu toute la soirée. Il est désorienté, fatigué, en colère. Il a l'air perdu et contrarié. Je n'aime pas le voir ainsi parce qu'il me fait peur, mais parce que j'ai peur pour lui aussi. Je ferme calmement la porte. Je parle d'une voix douce et confiante. Je reviens du boulot Tony. Il fronce les sourcils comme s'il ne me croit pas. Je déglutis. Il est bizarre. J'ai l'impression de perdre mon Tony de jour en jour. Parfois, je le vois regarder la rue pendant de longues minutes, caché derrière le rideau de notre chambre. J'ai presque peur de dormir avec lui. Mais, c'est Tony, je ne peux pas partir, je ne peux pas m'enfuir, je ne peux pas l'abandonner. Il me détruit, mais ce n'est pas de sa faute. Il doit être malade, un truc du genre. Peut-être la schizophrénie ? Je t'ai dis que je rentrerai tard chéri. Ma réponse n'a pas l'air de le satisfaire. Ca ne le fait que le mettre encore plus en colère. Non! Menteuse! Je recule, effrayée par l'intonation de sa voix. Tony, je crois que tu devrais voir quelqu'un. Tu sais... à l'hôpital ? J'y suis allée une fois et ils m'ont beaucoup aidé. Tu devrais les voir. Il s'approche de moi rapidement et me plaque contre la porte d'entrée grâce à ses mains vulgaires. Ces mains si grandes et durcies. Un petit gémissement s'échappe de ma gorge. Je me mords la lèvre supérieure. Je n'ai besoin de personne, d'accord ? Je sais ce que tu essayes de faire Louise. Tu essayes de me culpabiliser alors que tu te fais d'autres mecs ? J'essaye de m'échapper de son emprise, mais Tony fait trois fois mon poids. J'aurais du aller aux cours de ju-jitsu que ma mère m'avait conseillé. Lâche-moi Tony, tu délires! Je me cramponne à son bras musclé, essayant de le repousser, lorsque le coup part. Je perds équilibre et sens ma joue directement rougir et me brûler. Je souffle pour reprendre mes esprits. Combien de temps vais-je devoir endurer tout ça ? Combien de temps jusqu'à ce que Tony devienne le mec que j'ai rencontré quelques mois plus tôt ?