« Où est-ce que t’étais, hein ? T’es parti où sale morveux ? » Le responsable du foyer se dresse devant Derek, ton ami, celui que tu appelles ton frère, menaçant. Tu sais ce qu’il s’apprête à faire, tu connais bien la signification de ce poing serré, de cette veine qui palpite près de sa mâchoire. « J’t’emmerde. » Le gamin répond, agressif, provocateur, et tu fermes les yeux. Tu sais que cette histoire va mal se terminer. Encore. Toi il se contente de te frapper, de te sculpter le torse au couteau, de te péter quelques os de temps à autre. Mais Derek, t’es persuadé qu’il lui fait autre chose. Parce que tu vois dans son regard cette lueur qui disparaît progressivement. La lueur de tous les gamins qui aiment encore la vie et qui s’accrochent à l’espoir. Comme toi. Toi qui encaisses en scellant tes lèvres et en courbant le dos parce que tu te dis qu’un jour, un jour il ne pourra plus rien te faire et on t’écoutera peut-être. Quelqu’un se rendra compte que t’as le nez de travers parce qu’il s’est mal ressoudé, que t’es pas du genre bagarreur et que les coups ne viennent pas des autres gamins, que cette marque rouge sur ta clavicule correspond à la largueur d’une ceinture. Et c’est parce que tu peux encore subir que t’attrapes la fourchette de ton déjeuner avant de t’approcher de l’adulte qui esquisse un geste pour frapper Derek. Assez lentement pour qu’il comprenne ce que tu as l’intention de faire, parce que tu n’as aucune envie que ce connard t’envoie dans un boot camp pour lui avoir crevé un œil. Il fait volte-face et agrippe ton poignet comme si tu représentais une menace équivalente à celle d’un moucheron, t’obligeant à lâcher ton arme de fortune avant de te projeter contre la fontaine à eau. T’as jamais vraiment su comment te battre, et même si t’avais voulu aller jusqu’au bout t’aurais certainement raté ta cible, visé son épaule ou cassé ton couvert. Même à force de le voir s’acharner sur les gosses t’as rien appris pour te défendre. T’es juste né comme ça, né pour avaler de la merde à longueur de journée, né avec une tolérance à la pourriture plus élevée que le mont everest. Alors comme d'habitude, tu te recroquevilles sur toi-même en attendant que ça passe et qu'il ne réussira pas à toucher tes côtes encoure douloureuses.

T’as presque cru que t’allais réussir à pioncer sur le canapé malgré le va et vient incessant des internes et des résidents, mais c’était sans compter l’intervention d’une autre interne passionnée par les cas sanglants qui s’assoit au bord du matelas avant de te secouer. « Psssst la marmotte, OH. » Elle hausse la voix tandis que tu grognes pour tenter de la faire fuir sans succès. « Tu sais c’que j’ai vu aux urgences aujourd’hui ? Devine allez. » Elle te pousse de nouveau pour t’obliger à émerger, et tu ouvres tes paupières pour lui lancer un regard assassin qu’elle ne semble pas remarquer. « Alleeez ! » Tu soupires en te disant que peut-être, si tu entres dans son jeu elle ne va pas tarder à reprendre le boulot, ou qu’avec l’aide de Dieu son biper va se mettre à clignoter. « Une bouteille de bière enfoncée dans un œil ? » Tu hasardes en te frottant les yeux avant de lâcher un bâillement à t’en fendre la mâchoire. « Roh merde Dani, fais plus original. » Parce que ce genre de trucs ce n’est pas assez original pour elle ? Cette fille est complètement barge, mais tu te dis que c’est une chance qu’elle ait décidé de faire des études de médecine, sans quoi elle serait probablement devenue une tueuse en série particulièrement redoutable. Tu pousses un nouveau grognement de mécontentement en fixant le plafond, tentant de trouver dans ton cerveau une idée assez dégueulasse pour se rapprocher de ce qui pourrait lui plaire. « Une patiente qui s’est faite bouffer le visage par son chihuahua ? » Ouais, ça te paraît mieux là, mais quand tu la vois faire tourner ses globes oculaires dans ses orbites tu comprends que tu es loin du compte. « Un hara-kira raté ! » Elle s’exclame en trépignant. « Le type s’est enfoncé un sabre japonais droit dans le cœur mais il respire encore. » Tu te tournes vers elle en haussant un sourcil. « Techniquement le hara-kiri consiste à s’ouvrir le bide … » Tu prends soin de préciser sans te soucier de casser l’ambiance. « Quel rabat-joie mon dieu, je te parle d’un mort-vivant et toi tu fais ta vieille encyclopédie. » Elle croise les bras sur sa poitrine et t’enfonces ton visage dans le coussin en espérant t’étouffer pour ne plus avoir à entendre ces conneries. Un zombie, non mais sérieusement. « Il an oute oupé lcrère. » Tu marmonnes en étirant tes bras. Traduction : il a sans doute loupé le cœur. « Pile dedans je te dis, à ton avis comment c’est possible ? » De toute évidence elle connaît déjà la réponse à cette question, aussi tu me demandes pourquoi elle te la pose. Tu te redresses alors sur un coude en l’observant en silence, moment qu’elle choisit pour ouvrir sa blouse et soulever son t-shirt pour t’exposer son 90C et pointer l’endroit du cœur avec son index. « Juste là j’te dis. » Et elle se marre devant ta mine horrifiée. « Oh putain c'est dégueulasse rhabille-toi ! » Tu t’insurges en lui balançant ta couverture. La nana ose te réveiller pour te parler de zombie ET te montrer ses seins, c’est carrément trop pour toi, c’est inhumain. « Ah là tu trouves ça dégueulasse hein, tss. Tu sais pas c’que tu rates tapette. » Tu replonges ta tête dans le canapé en levant ton majeur. Bon, elle va accoucher oui, au lieu d’essayer de m’faire avoir des cauchemars ? « Bon allez bonne nuit Danette, j’dois aller bosser. » Et elle t'embrasse les cheveux avant de se casser comme si de rien n’était. La conne. Et après on m'demande pourquoi je préfère les mecs. Vous imaginez devoir vivre avec un "truc" pareil quotidiennement ?

T’as chaud. Trop chaud. Tes lèvres collées contre celles de ce type à califourchon sur ton corps fébrile et qui se détachent pour se loger dans son cou. Tes doigts explorant la courbe de ses reins et qui remontent le long de son dos. Tes jambes se resserrant autour de lui pour l’empêcher de t’échapper. Tes canines mordillant doucement sa peau et ce frisson qui parcourt ton échine. T’as le sang qui boue, le souffle court et les pulsations cardiaques qui s’accélèrent. T’as envie de plus, t’as envie de lui, t’as envie de … Non pas de ça non. Ta température corporelle chute considérablement alors qu’il vient d’allumer la lumière, et tu fais rouler tes yeux sur le côté en tendant le bras pour rectifier cette erreur de parcours. Tu tâtonnes un instant avant d’arriver à tes fins, baissant l’interrupteur pour vous plonger de nouveau dans la pénombre. Mais il se redresse subitement, récupérant ses mains et ses baisers. Et voilà crétin, tu viens de tout faire foirer. « Tu sais, si t’étais un laideron je serais pas en train de te tripoter. » Il fait remarquer alors que tu mords ta lèvre dans un geste nerveux. Fais chier. Tu te tournes légèrement pour appuyer sur le bouton, pour que l’ampoule éclaire de nouveau la pièce. Tu marques une pause, hésitant. « Ouais mais moi j’viens de me rendre compte que j’avais peut-être un peu trop bu quand je t’ai proposé de venir ici. » Comme si c’était pour le dissimuler lui, que tu tiens à poursuivre vos petites affaires dans l’obscurité. Tu le fixes une seconde avant de te mettre à rire devant son visage choqué, te redressant à ton tour sur le matelas pour te rapprocher de lui. « Sale con. » Il sourit et glisse une main dans tes cheveux bruns pendant que tu scrutes ses yeux clairs pour tenter d’anticiper sa réaction si tu décidais de lui expliquer ce qui te pose véritablement problème. Tu n’as pas envie de transformer cette baise si bien partie en séance de psychothérapie, de d’étaler pendant des heures sur le pourquoi du comment. Pourtant tu finis par soupirer en attrapant ton t-shirt pour le retirer, exposant à sa vue tes multiples cicatrices, vestiges des maltraitances de ton enfance. T’es jamais chaud pour cette grande révélation, d’habitude tu te contentes de baisser ton froc et d’éviter l’intimité de ton appartement, de ton lit, d’un endroit qui t’obliges à te désaper. « Quoi c’est tout ? » Il se contente de t’interroger en louchant sur ta peau abîmée. « J’ai vraiment cru que t’allais me dévoiler une paire de nibards sérieux, tu m’as fait flipper. » Et il se marre pendant que tu lèves les yeux au ciel. T’avais eu le droit à tout type de réaction, mais alors celle-là on n’te l’avait encore jamais faite. T’apprécies. Tellement que t’attrapes sa nuque pour approcher ses lèvres des tiennes. Mais avant que t’aies le temps d’achever ton geste, ton téléphone vibre bruyamment sur la table de chevet. Putain. Ton téléphone perso ça n’peut pas être le boulot, mais quand tu vois le nom de ton ami flic s’afficher sur l’écran, tu te dis que c’est probablement quelque chose d’important. Il t’appelle rarement à deux heures du matin pour te proposer une partie de mini-golf. Alors tu t’excuses silencieusement auprès de ton partenaire pour attraper ton portable devant sa mine exaspérée. « Les chèques en blanc c’est encore un délit ? » Tu demandes à tout hasard en te remémorant un achat bidon. Mais tu n’tardes pas à pousser violemment le mec qui effleure tes cicatrices pour te lever. « Putain, de quoi tu m’parles ? » Tes sourcils se froncent tandis que tu écoutes le policier t’expliquer que Derek vient d’essayer de buter un type avec une bouteille brisée. Qu’il n’arrête pas de répéter qu’il doit crever pour ce qu’il lui a fait au foyer. Alors tu captes. Et tu fermes les yeux en inspirant. « Il est mort ? » Le type est à l’hôpital dans un état critique. « Merde. J’vais … j’vais appeler un avocat et j’arrive. » Tu raccroches en attrapant ton vêtement pour couvrir ton torse, te tournant finalement vers ton invité du soir. « T’es pas avocat par hasard ? » Tu l’interroges en cherchant frénétiquement tes clés dans le bordel de ton appartement. « Euh non. C’est quoi le problème ? » « Faut qu’tu partes. » Tu déclares sans d’autre explication.  

T’es assez surpris de découvrir une vitre de trente centimètres d’épaisseur qui te sépare de Derek, comme s’il était considéré comme un meurtrier de la pire espèce capable de te sauter à la gorge sans prévenir. Tu n’sais pas si c’est parce qu’il a déjà fait une connerie qu’il n’a pas le droit à une conversation sans plexiglas, mais t’espères vraiment pas. Tu t’assois sur la chaise et t’attrapes le téléphone en fixant ton frère de substitution, détaillant son visage déjà meurtri. Entaille à l’arcade, coupure de la lèvre supérieure, nez violacé. Tu détournes le regard comme un lâche, juste quelques secondes pour échapper à cette vision qui te fait imaginer le pire. « Putain Derek, cinq ans. » Tu murmures dans le combiné sur le ton du désespoir, parce que d’après ce que tu vois tu ne peux pas t'empêcher de penser que d’ici là, il ressortira probablement les pieds devant. « Mon seul regret c’est d’avoir loupé c’connard. C’est ça que tu vas faire plus tard hein ? Empêcher des enculés de mourir pour qu’ils puissent recommencer leurs saloperies ? » Il t’agresse d’un regard dur, comme s’il t’accusait d’avoir personnellement pris soin de sa victime, de votre agresseur. Tu passes la paume de ta main sur le bas de ton visage avant de soupirer. « On fait pas de distinction quand on sauve une vie. » Tu lâches, banalité la plus absolue parce que tu n’sais pas vraiment quoi dire d’autre. Peut-être que tu sauveras un bourreau d’enfants comme celui qui vous a blessé et qu’il frappera d’autres gamins, peut-être que tu donneras un sursis à un meurtrier pour qu’il continue à tuer. Mais tu n’es pas censé le savoir, et toi tu vois plutôt les milliers de pères aimants à qui t’offrira une seconde chance que les prochaines victimes des salauds auxquels t’auras rendu service. Tu n’vas pas non plus enquêter sur tout tes patients pour savoir si ton scalpel va glisser du mauvais côté pendant l’opération. « Comment tu fais pour t’en foutre à c’point … A croire que t’es devenu amnésique. » Derek recule sur le dossier de sa chaise en levant les yeux au ciel, incapable de comprendre le calme qui t’habite en permanence et qui t’oppose radicalement à lui, constamment motivé par la colère. Mais là ça te fait presque sortir de tes gonds, et tu t’animes en te rapprochant de la vitre. « J’ai pas oublié, j’ai juste décidé de plus le laisser gâcher ma vie. Réussir, c’est ça la meilleure vengeance que tu peux lui infliger. Qu’il ramasse le journal un jour et voie ta tête en première page pour avoir retiré une tumeur inopérable grâce à des nouvelles techniques de chirurgie. Qu’il capte que tout ce qu’il a pu faire n’a pas suffi à te bousiller. Qu’il n’a pas gagné. » J’enchaîne presque sans respirer, en écrasant mon index sur le plastique pour appuyer mes propos. Parce que putain, moi je ne comprends pas pourquoi il est incapable de voir les choses de la même manière. « Il a payé sa dette, il a fait de la taule. Il a une femme et des gosses maintenant et … » « Des gosses. » Il me coupe en laissant échapper un rire méprisant. Et tu sais exactement à quoi il pense, parce que toi aussi ça t’a traversé l’esprit. Mais t’as regardé dans la base de données, et ses mômes n’ont jamais atterri à l’hosto pour des trucs bizarres qui auraient pu laisser penser qu’il recommence. Un long silence s'installe et tu baisses la tête. « Qu’est-ce qu’il t’es arrivé ? » Tu demandes subitement au prisonnier qui se renfrogne en pinçant les lèvres. Tu fais allusion à ses blessures actuelles, mais tu pourrais aussi bien songer au passé. Parce qu'il ne t'a jamais dit ce qu'il s'était vraiment passé au foyer, parce que tu te contentes de suppositions qui se renforcent depuis l'agression dont il a été l'auteur. « J’dois y aller. Arrête de t’inquiéter pour moi et vis ta vengeance. » Et il raccroche avant de se lever en te laissant comme un con.

« Alors c’est pas un cancer du cerveau ? » Tu demandes au titulaire en fixant l'organe miniature qui trône sur son bureau. « Non, c’était beaucoup plus simple que ça, seulement à ton âge … » Il laisse sa phrase en suspens comme pour se justifier de ne pas avoir diagnostiqué ta maladie plus tôt. Il avait exploré six pistes différentes avant de se rendre à l’évidence, mais ce n’était pas vraiment par manque de compétence. Ce n’est pas rare de passer à côté d’un truc pareil chez un type de vingt-cinq ans. « Ouais, moi non plus j’y avais pas vraiment pensé. » Tu confirmes songeur. Après avoir passé des semaines plongé dans des bouquins, ça ne t’avait même pas effleuré l’esprit. « Un parkinson, c’est quand même mieux qu’un cancer du cerveau. » Tu lâches finalement en haussant les épaules. Sauf qu’un parkinson ne se guérit pas. Sauf qu’un parkinson représente des années de galère et une fin atrocement humiliante. Sauf qu’un parkinson implique que tu seras un impotent crispé d’ici trente ans –avec de la chance-. Et ton index se soulève doucement comme pour te rappeler tout ça, trois fois qui t’obligent à serrer le poing. « C’est sûr, et puis tu sais les médicaments font très bien disparaître les symptômes de la maladie. En plus elle évolue moins vite … » « … chez les jeunes patients. Je sais tout ça, t’as oublié ? » Tu as étudié assez longtemps la médecine pour connaître précisément tout ce que cela implique, et tu te demandes si c’est véritablement une bonne chose. C’est peut-être mieux d’ignorer l’avenir que te réserve cette maladie, mais c’est trop tard pour toi. « T’inquiète pas, j’vais pas me jeter du cinquième étage. » Tu signales à ton futur collègue qui semble sur le point de te proposer des séances avec l’un des psychiatres de l’hôpital. Tu devras sans doute passer par là, quand tu commenceras à réaliser ce qui t’arrives, mais pour le moment t’as les idées claires et ton sang-froid intact. « Promets-moi de garder ça entre nous. » Tu lui demandes cette faveur en espérant qu’il te laissera un sursis avant de devoir foutre en l’air sept années d’étude et l’espoir d’une brillante carrière en tant que chirurgien. Comme si quelque part tu espérais qu’il se trompe ou que le parkinson se barre d’ici quelques semaines pour te laisser continuer à vivre ta vie en toute tranquillité. « Il va bien falloir que tu en parles Dani, c’est important que les gens le sache. » Tu soupires. « Je le ferai, mais laisse-moi le temps. » Tu l’observes longuement, le sens hésitant. « S’il te plaît. » Tu ajoutes pour achever de le convaincre. Et tu sais bien qu’il va finir par céder. « D’accord, d’accord ... Juste un peu. » Tu hoches la tête en le remerciant, t’enfonçant dans son fauteuil en contemplant l’extérieur par la fenêtre de son bureau. Un putain de parkinson, c'est quand même vachement vicieux.

Te voilà désormais validé !
Avant toute chose, nous te demandons juste de passer recenser ton avatar si tu veux qu'il te soit réservé. N'oublie pas non plus de recenser ton métier. Après ça, tu peux aller créer ta fiche de liens puis ta fiche de sujets. Ne te reste plus qu'à faire un petit tour dans la partie parrainage si tu ne veux pas te sentir perdu sur le forum ! La partie rp et la partie hors-rp te sont maintenant ouvertes
Enjoy