Un petit garçon hurlait face à elle. Il y avait beaucoup de sang, du moins elle en avait l’impression. Les gens s’agitaient autour d’elle à une telle vitesse qu’elle les voyait à peine passer. La petite Louve, qui avait alors tous justes sept ans, ne comprenait pas trop ce qu’il se passait. Elle jouait avec lui quand il était tombé. Elle avait entendu un bruit sourd et il avait commencé à hurler de douleur. Sa mère avait tout de suite accouru tout comme celle de notre petite blonde. Madame Vasilis tenait fermement sa fille dans ses bras, essayant tant bien que mal de lui cacher la vue de ce pauvre garçon. Il était simplement tombé sur un bout de verre et s’était sans doute cassé le bras, mais la mère de Louve ne voulait pas qu’elle voit autant de sang. Bien sûr, Louve avait mal pour le garçon qui était son ami à l’aire de jeu, elle l’aimait bien, beaucoup même. C’était son amoureux même si c’est un bien grand mot pour un enfant. Louve savait qu’elle ne pouvait pas l’aider et elle n’aimait pas ça. Elle se débattait contre sa mère en lui hurlant «
Pourquoi tu vas pas l’aider ?! T’es docteur ! Tu peux l’aider ! ». Berenice Vasilis tentait de calmer sa fille. Elle était médecin, oui, mais elle ne pouvait rien faire pour aider ce pauvre garçon, ce n’était pas dans ses capacités. Elle avait donné les consignes de sécurités aux personnes qui avaient accouru au son de l’accident, mais elle ne pouvait rien faire de plus. Après tout, elle devait s’occuper de sa fille qui avait déjà un fort caractère et qui n’en faisait qu’à sa tête. Louve regardait la scène, le sang ne la dérangeait pas plus que ça, c’était la souffrance d’Achille qui lui était plus difficile à supporter. Les pompiers ne mirent pas longtemps à arriver, Achille fut emmener à l’hôpital. Plus de peur que de mal. Louve se tourna vers sa mère et planta son regard dans celui de celle qui l’avait mise au monde. Madame Vasilis connaissait le regard déterminé qu’arborait sa fille, elle le voyait chaque jour dans les yeux de son mari. La petite blonde sortit naturellement «
Je veux pouvoir soigner les enfants. Pas comme toi, je veux pouvoir les soigner dès qu’ils en ont besoin. ». Madame Vasilis sourit et passa la main dans les cheveux de sa fille. Un rêve de gamine. Pourtant, quelque chose dans la voix de Louve lui disait que sa fille savait déjà ce qu’elle voulait et qu’elle était déterminée pour l’obtenir.
* * *
Louve marchait tranquillement dans les couloirs de son lycée. Elle était sur le point de rejoindre Héléna, sa meilleure amie depuis l’enfance. La blonde des Vasilis et la brune des Théodokis se connaissaient depuis la maternelle grâce à leurs parents qui était amis de longues dates. Très rapidement, elles avaient liées une complicité exceptionnelle. Toujours fourrées ensemble, elles ne s’étaient jamais quittées, liées l’une à l’autre par un quelque chose qu’aucune des deux n’arrivaient vraiment à définir autrement que par le simple mot : amitié. La blonde était perdue dans ses pensées quand un jeune homme lui fonça dedans. «
Hé bah alors ma belle colombe, on ne regarde plus où on va ? » susurra le jeune homme à l’oreille de Louve. Ulysse Delenikas alias le beau-gosse du lycée. La jeune femme leva les yeux au ciel. «
Tu te fous de ma gueule Ulysse ? C’est toi qui viens de me foncer dedans sans aucune raison ! ». Elle marqua une pause, faisant mine de réfléchir avant de surenchérir. «
A moins que tu penses que ce soit un bon moyen d’engager une conversation… Si c’est le cas, j’ai le regret de t’annoncer que c’est un fiasco total, mon cher Ulysse ! ». Le sourire du jeune homme ne s’effaça pas pour autant, il connaissait la réputation de Louve. Elle était connue dans tout le bahut pour être une fille avec un fort caractère qui n’était pas du tout impressionnée par les garçons, aussi populaires soient-ils. La jeune femme voulut reprendre son chemin, mais le bras du jeune homme s’y interposa aussitôt. Louve le fixa droit dans les yeux avant de pousser négligemment le bras d’Ulysse afin de continuer sa route. «
Ce soir, dix-neuf heures ! » lui lança le brun. La blonde éclata d’un rire forcé avant de lâcher «
Seulement dans tes rêves, Ulysse ! ». Elle avait des choses bien plus importantes à faire comme voir Héléna… Héléna. La pensée de la jeune femme fit sourire timidement notre blonde.
Louve n’arriva pas à trouver le sommeil cette nuit. Elle était troublée par la pensée qui l’avait faite rougir plus tôt dans la journée. Elle repensa à Ulysse. Toutes les filles étaient raides dingues de lui, et pourtant, la blonde n’était même pas attirée par lui physiquement. Elle le trouvait beau, mais l’idée de se blottir contre lui ne lui plaisait guère. Une pensée lui vint en tête, mais elle la chassa aussitôt. Ce n’était pas possible, elle était comme tout le monde, elle n’était pas amoureuse d’Héléna. Elle était hétéro, elle était attiré par les garçons un point c’est tout. Louve tentait de se convaincre elle-même d’un mensonge. Des perles salées se mirent à rouler sur ses joues. Pourquoi ? C’était la question qui lui revenait en tête. Pourquoi ? Pourquoi devait-elle être éperdument amoureuse de sa meilleure amie ? Pourquoi ne pouvait-elle pas tout simplement « normale » ? Elle était déchirée entre l'envie d'assumer ce qu'elle était et l'envie de se forcer à être « comme tout le monde ». Le pire ? Elle ne pouvait le dire à personne, surtout pas à Héléna. Comment allait-elle réagir si elle l’apprenait ? La blonde allait donc devoir taire son amour malgré la souffrance que cela allait occasionnée. La jeune femme était forte, elle allait pouvoir surmonter cette épreuve seule, même si ce n'était pas chose aisée. Louve finit par trouver le sommeil et sombra dans les bras de Morphée, le cœur lourd de sentiments.
* * *
Tout tournait autour d’elle. Les gens étaient flous. Tout se passait vite et lentement à la fois. Louve se tourna espérant voir Héléna. Cela faisait maintenant trois ans que les deux jeunes femmes étaient ensembles. Louve, après maintes et maintes souffrances, avait pris son courage à deux mains et avait tout balancé à la gueule de celle qui était sa meilleure amie. Cette dernière, l’ayant tout d’abord repoussée, s’était elle-même rendu compte des sentiments qu’elle pouvait ressentir envers la blonde. C’était alors une belle histoire d’amour qui avait commencé entre elles. Louve et Héléna vivaient un amour fusionnel et passionnel. La blonde, bien qu’extrêmement jalouse, était douce avec la brune qui le lui rendait bien. Tout était parfait, pas le moindre faux pas, elles étaient simplement amoureuses, heureuses. Louve porta alors son regard sur sa gauche et découvrit Brysélis tout sourire qui la fixait. La jeune femme se sentit mal à l’aise, elle connaissait les sentiments que pouvait avoir Brysélis à son égard. Bien qu’elle l’avait repoussé un bon nombre de fois, la brune ne baissait pas les bras et voulait vraiment mettre Louve dans son lit. Louve était alors devenue froide avec elle, mais rien n’avait changé. La blonde avait l’impression de revivre le même calvaire qu’elle avait vécu avec Ulysse, au lycée. La jeune femme essaya alors de s’éloigner le plus possible, mais l’alcool allongeait son chemin à vue d’œil : elle ne marchait plus vraiment droit. Si bien que la blonde fut vite rattraper par la brune. «
Besoin d’aide ? » demanda Brysélis prenant sa voix innocente. La brune avait tout l’air d’un ange, mais c’était une manipulatrice et, même si Louve savait ce qu’elle avait derrière la tête, elle accepta son aide lui demandant de la raccompagner dehors. La blonde était salement amochée et elle voulait retrouver Héléna pour être entre des mains sûres, elle ne voulait pas faire de conneries ce soir. Brysélis s’exécuta aussitôt et la raccompagna sur le porche. Louve se détacha dès qu’elle le put de la brune. La fraîcheur de la nuit lui faisait le plus grand bien. Elle ferma les yeux et huma l’air. Une des meilleures sensations au monde pour quelqu’un d’ivre. La blonde se tenait à la barrière et entreprit de descendre les escaliers qu’elle voyait double voir triple. A peine eut elle posé son pied sur la première marche qu’elle se sentit glisser vers l’avant. Un bras ferme la rattrapa. Louve se retrouva, une nouvelle fois, nez à nez avec Brysélis. Cette dernière plongea son regard dans les yeux de Louve avant de l’embrasser. La blonde était tellement amochée qu’elle ne comprit pas tout de suite ce qu’il se passait. Quand elle finit par réaliser, une envie de vomir lui prit aux tripes, mais la brune l’avait déjà lâché. La jeune femme remit ses cheveux en place et se retrouva face à face avec Héléna. Elle avait assisté à toute la scène. Ses yeux se mirent à briller et Louve ouvrit la bouche pour parler, pour lui expliquer, mais elle n’eut pas le temps de dire quoique ce soit que la belle Théodokis prit ses jambes à son cou et disparut dans la nuit. La blonde sentit aussitôt un vide dans son cœur, comme si il venait de se briser. Elle n'avait rien dit, mais le dégoût que l'on pouvait lire sans son regard avait parlé pour elle. Louve se sentait minable, faible, seule. Elle avait sans aucun doute brisé celui d’Héléna, comment le sien aurait-il pu survivre ? Elles étaient liées. Louve regardait l’amour de sa vie s’enfoncer dans la nuit, elle était impuissante. Elle voulut lui courir après, mais ses jambes refusaient de lui obéir. Elle était forcée à regarder Héléna s’enfuir. Tout tournait autour d’elle. Elle se sentit horriblement mal. L’envie de vomir se fit plus intense. Elle essaya de suivre la trace d’Héléna, mais ses jambes se dérobèrent et elle tomba, à son tour, dans la pénombre.
* * *
« Papa, maman, je pars pour San Francisco. J’ai réussi à être embauchée dans le même hôpital. Je ne peux pas vivre sans elle. Pardon. Je vous aime. Louve.». Voilà le seul message qu’elle avait laissé pour ses parents. La blonde, après le départ de sa bien-aimée, avait remué ciel et terre pour retrouver sa trace. C’est finalement grâce à son meilleur ami, Achille, qu’elle avait fini par la retrouver. Louve avait donc décidé de tout faire pour pouvoir la rejoindre et avoir l’occasion de s’expliquer sur ce qu’il s’était passé, huit mois plus tôt. Elle voulait avoir la chance de tout lui dire, de pouvoir la voir encore une fois, de pouvoir sentir sa peau douce sous ses doigts, voir son magnifique sourire et ses yeux envoutants, elle voulait pouvoir sentir son cœur battre contre sa poitrine, pouvoir lui murmurait encore une fois ces trois mots à l’oreille et la voir rougir, pouvoir l’embrasser et sentir la douceur de ses lèvres, pouvoir l’aimer comme elle aimerait pouvoir le faire. Soudain, la voix robotique retentit dans le hall de l’aéroport, invitant les passagers pour le vol 947 à rejoindre le quai d’embarquement. Louve prit une grande inspiration et se dirigea vers le quai E. Une nouvelle aventure l’attendait derrière ces portes.