Ailionora observait le petit manège de ses amis depuis une bonne 1/2h, de loin, ne voulant surtout pas qu'on la voit, une once de jalousie montant en elle petit à petit. Ce n'était pas une fille jalouse de nature, mais il y avait un sujet sur lequel elle enviait toutes les personnes de la compagnie. Les parents. Elle n'avait jamais connu son père, sa mère ne lui en parlait jamais, et lui avait même dit de ne jamais en parler. C'était un sujet tabou chez les O'Bryan, une fois son oncle avait laissé échappé qu'elle n'avait pas besoin de savoir, que c'était un gros nul, sa mère avait coupé net la conversation d'un seul regard. Un papa. Elle aimait sa mère, et se sentait un peu coupable de vouloir à ce point un papa, mais elle n'y pouvait rien, il y avait ce manque, ce vide quand elle voyait les autres jouer avec leur père comme à ce moment précis. Pourtant ce n'était pas faute d'avoir essayé, elle avait une fois organisé un grand casting au sein du cirque pour trouver un nouvel amoureux à sa maman, mais surtout et avant tout un papa. Autant dire que le stand qu'elle avait monté, et auquel elle était restée scotché une après midi entière était resté désespérement vide, et qu'aucuns prétendants n'étaient venu tenter sa chance. Elle n'avait essuyé cet après midi là qu'une multitudes de moqueries, et elle avait finit par démonter son stand « A la recherche de mon nouveau papa » le plus fièrement que ce qu'elle avait put, et était parti se cacher dans sa caravane pour pleurer pendant des heures. Quand sa mère avait finis par rentrer, Ailionora sachant le sujet sensible avait refusé de parler, ce qui avait mis sa mère dans une rage folle, ce qui avait fait redoubler d'intensité les pleurs de la petite fille de 7 ans, et qui lui avait valu un aller simple pour la caravane de son oncle histoire d'apprendre à être polie.
Les autres enfants se moquaient souvent d'elle. Tout le monde avait fini par apprendre que le père d'Ailionora n'était qu'un inconnu de passage, un homme étranger au cirque, un coup d'un soir, bref qu'au final Ailionora n'était pas une enfant désirée. Elle était un peu arrivé comme un cheveu sur la soupe, et c'est ça qui dérangeait le plus la petite rouquine finalement. Et puis, bien évidement il y avait aussi le fait que tout le monde disait tout le temps qu'il était évident qu'elle avait hérité du côté non artistique de son père, vu qu'elle était incapable d'effectuer un tour de magie correctement du haut de ses 10 ans, alors que sa mère tentait depuis des années d'en faire son assistante. Tout le monde le disait, c'était le risque quand on essayait d'aller voir hors du cirque, l'enfant pouvait naître sans aucuns dons pour quoi que ce soit. Et apparemment vu la nullité qu'elle était en magie, c'était son cas. Mais les gens s'accordaient aussi sur le fait que sa mère ne lui avait jamais permis de s'essayer à autre chose, seul le temps pourrait donc dire si elle allait continuer à vendre du pop corn toute sa vie ou si elle finirait par rentrer dans un numéro.
Elle allait se lever quand elle sentit une main s'abattre sur son épaule, et poussa un petit cri de surprise, et il faut l'avouer de peur. Peur bien vite envolé quand elle se rendit compte qu'il s'agissait seulement de son oncle.
« Tonton, est ce qu'un jour je le verrai mon père ? » Elle vit le visage de son oncle se serrer, et aucun son ne sortit de sa bouche. Elle avait toujours été proche de lui, et elle l'avait rapidement considéré comme celui qu'elle n'avait jamais connu, et de son côté l'oncle d'Ailionora l'avait toujours considéré comme sa fille, il ne se gênait que très rarement de l'engueuler, et lui mettait la même pression qu'à ses enfants, équilibriste pour la plupart. Seul Bryan et Catriona était devenu dresseur de fauves, mais sinon les 5 autres enfants de son oncle suivait sa voix. Elle savait qu'il ne lui répondrait pas, parce qu'il aurait envie de lui mentir, de lui dire que oui, et c'est qu'elle voulait entendre dans un sens, mais il ne voulait pas mentir à ses proches, et ne le faisait qu'en cas d'absolue nécessité. Elle se tourna de nouveau vers les autres puis vers son oncle
« Est ce qui je vais vendre du pop corn toute ma vie ? Et être la risée du cirque ? » Son oncle esquissa un sourire, auquel répondit Ailionora.
« Bien sûr que non. Tu ne seras pas magicienne c'est sûr. Nous allons faire de toi une équilibriste, tu vas intégrer mon numéro, et on va commencer maintenant. » Et c'est ainsi que son destin fut scellé, bizarrement elle ne se sentait pas triste de comprendre qu'elle ne connaîtrait jamais son père, ni même honteuse de décevoir sa mère. Elle était juste heureuse de comprendre que tout le monde a un place, même si elle est là ou on ne l'attend pas.
« Tu as vu ma mère ? » Ailionora ne s'adressait à personne en particulier, tout les artistes étaient en train de répéter, il y en aurait forcément un qui se sentirait visé, ou qui saurait ou elle était. Et qui finirait par conséquent par lui répondre. Les autres artistes du cirque avaient finit par s'habituer à ce qu'une tornade rousse ne vienne régulièrement les déconcentrer pendant les répétitions, Ailionora ne tenait que rarement en place. Le seul endroit ou elle était calme c'était sous le chapiteau, lorsqu'elle s'entraînait. Quand elle voltigeait il n'y avait rien d'autre au monde qui comptait. Elle aimait ça, sa mère avait voulu en faire une illusionniste comme elle, mais depuis qu'elle savait marcher, Ailionora avait décidé de suivre son oncle partout et de devenir voltigeuse. Bien évidement, là ou des parents 'normaux' se serait insurgés de voir une enfant de 3 ans sur un trapèze à un mètre du sol, la mère de la jeune fille s'était répandue en larmes de joie. Il y avait une légende au cirque qui disait que si un enfant était conçu avec une personne extérieure à leur monde , il y avait de forte chance pour qu'il n'ai aucun talents. Mais Ailionora en avait un, la voltige. Elle avait aujourd'hui 12 ans, et faisait pourtant déjà partit du numéro de son oncle. Lui qui avait toujours mis un point d'honneur à ce que ses propres enfants ne rentrent dans le numéro qu'après la fin de leur croissance vers 16 ans 'avant ça ils vendaient des pop corns) il dérogeait à sa propre règle. Mais Ailionora était spéciale, elle n'était pas une enfant prodige, elle ne savait pas tout faire du premier coup, simplement elle avait cette volonté de fer qui la poussait à ne descendre de son trapèze que lorsque la figure qu'elle avait choisie de faire était parfaitement exécutée...Ou parce qu'on la traînait hors du chapiteau de force. L'un des 4 clowns de la Compagnie se tourna vers elle, le visage à moitié maquillé.
« Il me semble qu'elle est en train de répéter son dernier numéro, celui ou elle doit sortir d'une cuve pleine d'eau. » Ailionora lui adressa un sourire
« Ash est avec elle ? » Ash était le binôme de sa mère, celui avec qui elle faisait touts ses numéros, ce qui ne voulait pas pour autant dire que c'était son assistant, ils travaillaient tout les 2 sur un pied d'égalité.
« Non il est en ville. » Ailionora tourna les talons vers un des chapiteau. Il n'était pas rare que sa mère s'entraîne seule sur des numéros, elle était assez forte pour ça. Même si il fallait l'avouer, s'enfuir du cuve d'eau n'était pas une mince affaire, elle s'était déjà entraînée seule, rien de bien étrange au final.
Elle se dirigea droit vers le chapiteau violet, celui qui l'intéressait, zigzagant entre les nombreuses personnes peuplant le camp. Elle faisait partie de l'un des plus grand Crique des USA, et son oncle en était le propriétaire, autant dire qu'il ne manquait de rien, sauf d'intimité. Ce n'était pas une notion banale que l'intimité dans un cirque, tout le monde savait tout sur tout le monde, et le principe d'une porte fermée était difficile à accepter pour eux. Mais elle ne s'en plaignait elle considérait chacune des personnes présente sur le camp comme sa propre famille. La jeune rousse atteignit rapidement le chapiteau et rentra dedans sans plus de cérémonie, souriante comme toujours. Mais son sourire fut de courte durée, le spectacle qui lui faisait face la glace d'effroi. Madame O'Bryan n'était pas une femme qui sortait de l'ordinaire, rousse comme sa fille, des yeux bruns, grande mais pas forcément mince. Une femme normale en somme. Mais la mort la rendait extraordinaire. Il fallut quelques minutes à la jeune fille pour se rendre compte que la position d'abandon complet de sa mère au milieu de la cuve n'était pas un leurre mais bien un drame. Les chaines qui la retenaient étaient encore attachés, seule l'une d'entre elle était détachée, ses cheveux flottait autour d'elle comme une méduse, et elle pouvait voir la terreur sur le visage de celle qui avait été vivante quelques minutes plus tôt. Elle ne se souvenait pas avoir crié, ni même qu'elle avait couru sur la cuve pour en frapper la vitre résistante, comme si elle allait se briser et libérer sa mère. Quoi qu'il en soit, la moitié du campement était dans maintenant dans le chapiteau alerté par les cris hystériques de la jeune fille, et tout le monde tentait de l'éloigner de la scène. Elle s'était levé ce matin, en pleine forme et de bonne humer, et elle se coucherait ce soir orpheline et dépressive. La dernière chose qu'elle vit avant de sombrer dans le néant vu Byron le Jongleur hisser sa mère hors de l'eau et commencer un massage cardiaque, en vain. Et puis ce fut le noir total.
« Nous avons détecté une tumeur dans votre estomac, nous... » La voix de l'homme qui lui faisait face se perdit dans les méandres de son esprit, sans qu'Ailionora n'en saisisse un seul mot. Une tumeur dans son estomac...Elle n'était venu que pour faire plaisir à la guérisseuse de la troupe Maddy, pour de simple crampes à l'estomac qui la faisaient souffrir depuis quelques semaines, elle allait bien, ils s'étaient forcément trompés quelque part. Quelqu'un s'était trompé de dossier et avait prit celui d'une autre femme, quelqu'un d'autre était gravement malade et ils perdaient leur temps à lui expliquer des traitements médicaux qui ne la concernaient pas le moins du monde. Et puis elle avait un numéro à répéter, elle devait y aller maintenant, elle avait perdu assez de temps
« Écoutez, je ne peux pas rester, je n'ai pas de cancer, je vais bien, je vais aller répéter mon numéro maintenant. » Elle rabattit les couvertures par dessus ses jambes, et posa les pieds par terre, tout en attrapant se habits sur la chaise qui faisait face au lit, la vieille Maddy s'était également levée pour l'aider. Le médecin se dirigea vers elle, et arrêta sa main qui allait attraper son pantalon
« Mademoiselle O'Bryan, vous ne pouvez pas partir, vous avez un cancer, il faut vous soigner. » La voix était douce et ferme à la fois, mais cela n'empêcha pas Ailionora de retirer brusquement sa main, de prendre son pantalon, et de commencer à l'enfiler sous les regards dubitatifs des élèves qui étaient présents dans la pièce.
« Vous vous êtes simplement trompé de dossier, j'ai des crampes d'estomac, donnez moi quelque chose pour ça et laissez moi partir. » Elle tendit la main pour attraper son t-shirt et se retrouva une nouvelle fois confrontée au médecin. Il était tenace, mais pas autant qu'elle.
« Si vous avez peur de ne pas pouvoir payer vos soins... » Le médecin se tut en voyant le regard de colère que venait de lui lancer la jeune fille, en soutien gorge, les mains sur les hanches. Si elle n'avait pas les moyens ? Qu'est ce qu'il insinuait là ? Que parce qu'on faisait parti d'un cirque on n'avait pas les moyens de se payer les services d'une assurance ? Un soupir s'échappa de la bouche de la jeune fille à la chevelure de feu, elle était une O'Bryan, elle faisait partie d'une des plus grande famille de cirque du pays, et sa famille gagnait bien plus d'argent que ce qu'il ne pouvait s'imaginer. Elle ne supportait pas qu'on fasse l'amalgame entre situation précaire et cirque, ça la mettait hors d'elle à chaque fois
« Je vous en pris, allez au fond de votre pensée. C'est quoi l'idée, je suis voltigeuse dans un cirque donc je suis trop pauvre pour me soigner ? Vous croyez qu'on vit encore dans roulottes tirés par des chevaux aussi ? Ou vous vous êtes fait à l'idée qu'on avait des camping car plus luxueux que votre maison ! Comme je vous plaint vous les sédentaires ! Avec votre esprit étriqué ! »Et c'était tellement vrai, comme elle pouvait les plaindre les sédentaires, qui ne prenaient pas le temps de vivre, de se renseigner sur la vie autour d'eux, qui se permettaient de les juger. Peut être que ce docteur était un grand dans le milieu, peut être qu'il était admiré par touts ses collègues, pour son intelligence, mais au final dans le milieu du cirque il n'était rien. Dans le milieu du crique avoir un diplôme c'était pas quelque chose de génial, quitter le milieu du cirque était un déshonneur en fait. Elle lui jeta le regard le plus méprisant qu'elle put, elle ne le connaissait pas et pourtant elle le haïssait. Il se recula un peu.
« Écoutez Mademoiselle nous ne sommes pas là pour parler de mon esprit étriqué, ou de vos chevaux... Vous êtes malade, vous avez besoin d'un traitement, et si vous le refusez vous allez mourir. ». Mourir, mais quelle idée, elle avait 22 ans, elle ne pouvait pas mourir aussi jeune. En fait, elle ne pouvait pas avoir un cancer aussi jeune c'était impossible.
« Ça suffit maintenant, tu te couches dans ce lit, et tu laisses le docteur te soigner jeune fille ! Ne m'obliges pas à appeler ton oncle ! » Ailionora tourna la tête vers Maddy. La vieille femme n'avait pas eu à lever la voix pour calmer la jeune fille, parce que quand Maddy parlait tout le monde se taisait et obéissait. Et c'est ce que fit Ailionora, elle enleva doucement son pantalon et se recoucha dans le lit. C'est seulement là qu'elle sentit l'angoisse monter en elle, si Maddy les croyait ça voulait dire qu'ils disaient tous la vérité, elle avait un cancer et elle allait mourir. Elle sentit la main noueuse de la vieille femme se refermer sur sa main alors que des larmes se mettaient à couleur sur ses joues, et qu'elle hoquetait comme une enfant de 5 ans à qui l'on venait de retirer son jouet favoris.
« Est ce que je vais mourir Maddy ? » La mort la terrifiait, la simple évocation de ce mot la ramenait 10 ans en arrière quand elle avait trouvé le cadavre de sa mère. Elle avait peur, et elle sentait que l'angoisse la consumait à vitesse grand V
« Si nous commençons le traitement maintenant, vous avez de grandes chances de vous en sortir. Il suffit de signer là. » A travers les larmes elle parvint à signer tout les papiers que lui tendait le médecins, une fois cela fais, il sortit entraînant touts ses étudiants avec lui, la laissant pleurer dans les bras de celle qu'elle considérait comme sa grand mère. La laissant extérioriser sa peur. Elle avait un cancer, et elle allait devoir se battre. Hors de question de laisser la maladie vaincre.