"Penny, tu dois laisser un peu ton frère ma jolie... Lui il est plus grand tu sais, va jouer un peu avec les enfants de ton âge. " Cette phrase, j'avais dû l'entendre des dizaines de fois depuis mes premiers pas. J'ai toujours admiré et voué un culte à mon frère. Fusionnel, on a toujours été comme les doigts de la main, inséparable. Jamais l'un sans l'autre. Peter depuis mon plus jeune âge, a toujours eu l'habitude de me trimballer partout avec lui. De nature discrète, je n'avais pas pour habitude de me faire remarquer et cela convenait à tout le monde. Peter a toujours été mon Batman quand moi j'étais son Robyn, c'est comme ça que je nous définissais lui et moi. Il était celui qui était mis en avant et que tout le monde remarquait. Il me sortait des situations dans lesquelles j'étais doué pour me mettre et me protégeait ou surprotégeait de tout et de tout le monde. Quand moi, je me faisais plus discrète, j'étais là pour donner les conseils et l'écouter dans ses moments de blues. Sa bande au fil des années était devenue la mienne en quelque sorte. Ses amis étaient devenus les miens et j'étais devenue la petite princesse de notre bande. Les garçons veillaient tous sur moi à leurs façons et j'avais parfois l'impression de ne pas avoir un seul frère, mais quatre. Imaginez donc, quatre fois plus de problèmes, de surveillance et de conflits. Des broutilles certes, mais les garçons prenaient un malin plaisir à se liguer contre moi pour me rendre la vie impossible parfois ce qui les faisait jubiler.

" La vie ne se passe pas toujours comme on aimerait ma chérie... Mais ça va aller, je te le promets. On va s'en sortir comme on l'a toujours fait jusque-là. " Me soufflait ma mère doucement pour essayer d'apaiser mes larmes. Mon père venait de claquer la porte de chez moi, et le visage de mon frère au passage. Je pleurais dans mon lit inconsolable, ma mère me caressait les cheveux pendant que mon visage était lui enfouie dans mon oreiller. Mes rêves de petites filles venaient de partir en fumée. Ma famille que je croyais pourtant si parfaite, ne l'était pas ou plus en tout cas. Les repas de famille tournaient régulièrement en règlement de comptes. Les vacances en famille ressemblaient plus à une corvée pour notre paternel qui passait son temps au téléphone à parler argent et boulot, comme le reste de l'année finalement. Ma mère, elle croulait sous les médicaments, les vitamines et antidépresseurs en tout genre. Elle essayait de tenir la tête hors de l'eau devant Peter et moi, mais je voyais bien qu'elle coulait moi. Son sourire se faisait aussi rare que mon père assit autour de la table un soir de semaine. Ses pleures, eux, étaient au rendez-vous chaque soir une fois la lumière éteinte et ne manquaient jamais l'appel. Mes parents se déchiraient et mon frère venait de se prendre une raclée de mon père. J'étais là impuissante, face à ce spectacle qui me dépassait et me paraissait irréel. Comment la vie avait pu basculer si vite ? Comment notre famille avait-elle pu voler en éclats comme ça ? Pourquoi mon père avait décidé un jour de tromper ma mère ? Pourquoi ma mère ne s'était pas battue plus que ça pour son mariage et avait-elle préféré s'enfoncer dans toutes ses pilules qui étaient devenues ses meilleurs alliés... Pourquoi, pourquoi, pourquoi... Mes sanglots ralentissaient, sous les caresses de ma mère qui elle était totalement stoïque et silencieuse, je m'endormais petit à petit pour m'évader vers de plus beaux horizons.

" C'est toi et pas un autre que je veux... Je te veux juste toi JJ. Jeremiah Jackson, je t'aime et je ne peux pas lutter contre ça... " Mes mots étaient fébriles et hésitants. J'étais terrifiée à l'idée d'exprimer mes sentiments clairement, de les entendre sortir de ma bouche me tétanisait et rendait la situation beaucoup plus réelle. Je l'aimais, j'en étais sûr. On se connaissait depuis toujours lui et moi. Il m'avait déjà vu un nombre incalculable en culotte, pleurer parce que mon frère me faisait vivre un véritable enfer ou parce que mes parents divorçaient. JJ avait toujours été là dans ma vie, à chacun des moments important, je crois. Il avait toujours été le copain de Peter, celui qui aimait bien me taquiner ou qui me défendait toujours quand des ennuis rodaient autour de moi. Je me souviens de cette fois, ou mon ex, celui que je pensais être mon premier amour et naïvement l'homme de ma vie était devenus un peu trop agressifs à l'idée que lui et moi ne soyons plus ensemble. Il avait été là, lui et Teddy avaient été là prêts à lui casser la tête en deux. Je ne voulais pas que Peter soit au courant de cette histoire, car si Teddy et JJ auraient été capables de rester calme, il n'en aurait pas été de même pour mon frère. J'ai toujours aimé JJ plus que les autres, enfin, je l'ai toujours aimé différents des autres. Vous savez lui, c'était le beau garçon, celui qui plait aux filles, celui qui nous fait toutes ricaner comme des cruches. Mes copines m'enviaient et voulaient toujours venir dormir chez moi quand JJ était là depuis quelques années maintenant. Ce soir de septembre, peu de temps après la rentrée, Mina avait voulu venir quand elle avait appris que JJ serait là et j'avoue que je la détestais secrètement de vouloir le séduire. Alors ce soir-là, mon regard changea. Il n'était plus celui de la petite fille qui aimait bien le meilleur pote de son frère, non, il était devenu celui d'une fille qui désirait un homme. Les mois passèrent et chacune de nos sorties communes était un prétexte pour essayer de me rapprocher toujours un peu plus jusqu'à cette fameuse soirée bowling. On s'était retrouvé par hasard dans les toilettes au même moment et avant même que je puisse lui dire quoi que ce soit, j'étais adossé au mur, JJ m'embrassait fougueusement, mes mains se baladaient entre ses cheveux et sa nuque et voilà comment est né le début de notre secret. Le fait que notre relation soit secrète, amplifiait certainement notre désir et nos sentiments en y réfléchissant. On avait pris l'habitude de s'effleurer, de se toucher en évitant que les autres se doutent de quoi que ce soit. Je craignais le jour ou notre relation serait dévoilée au grand jour, ou Peter serait finalement au courant. Est-ce qu'il nous tuerait tous les deux ? Seulement l'un de nous ? Toutes ses questions se posaient dans ma tête, mais peu importe, j'avais toujours lu que le vrai amour nous tombait dessus qu'une seule fois pour les plus chanceux alors je ne pouvais pas le laisser passer... Je l'aimais, j'en étais sûr. JJ était différent de toutes mes autres relations que j'avais eues jusqu'à aujourd'hui. Il était celui qui me faisait rire même au beau milieu de la nuit, celui qui apaisait mes craintes sans même que je lui demande ou sa seule présence suffisait à me mettre dans un état de bonheur immédiat. Il n'y avait aucun doute là-dessus : J'en étais totalement raide dingue.

"Mademoiselle Caulfield, ce n'est pas une simple gastro que vous avez là... Plutôt un joli cadeau d'une durée de 9 mois pour commencer et qui ne vous quittera plus jamais par la suite. " Mes malaises à répétitions avaient fini par m'inquiéter, je m'étais décidé à aller chez le médecin suite à l'acharnement de ma mère à vouloir m'y emmener. Je voulais lui faire plaisir et lui prouver que ce n'était qu'une petite baisse de régime passagère. " Vous êtes enceinte de 4 mois passés... Plus que quelques mois et la famille Caulfield comptera un membre en plus. " Les mots de mon médecin de famille étaient désormais loin, je n'entendais plus rien, je voyais flou, mes jambes fléchissaient de seconde en seconde. Dr Benson me rattrapa in extremis avant que j'eus le temps de finir par terre. Il essayait de me montrer que la situation n'était pas si grave et que tout allait bien se passer. Pas si grave ?! Je lui en foutrais moi de son pas si grave. Je pleurais sans pouvoir m'arrêter. Je me sentais seule comme jamais. Il m'annonçait ma grossesse avec une simplicité qui me dépassait et me donnait envie de lui hurler au visage. À qui je pouvais en parler ? J'avais tout sauf envie d'en parler à Mina, elle m'aurait sorti son baratin habituel :"Je te l'avais dit que votre relation était foireuse avant même que ça commence. " Je voyais bien qu'elle n'aimait pas cette relation, elle aimait me le rappeler à chaque fois qu'on se voyait, mais peu importe ce qu'elle me disait je l'aimais et je n'arrivais pas à m'éloigner de JJ quoi qu'elle en dise. Puis j'ai toujours pensé qu'elle était un peu jalouse de notre relation à lui et moi... Je devais en parler à mon frère, je n'avais que lui. Je ne voulais pas voir JJ et le faire paniquer avant même que je puisse moi-même accepter le fait que je sois enceinte et qu'on allait être parents. Peter aurait sans doute envie de me tuer, mais comme toutes les fois où je m'étais retrouvée dans des situations délicates, il essaierait d'abord de trouver une solution à mon problème avant d'avoir l'envie de me tuer lentement.

" Il se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants..." Tous les jolies contes finissent comme ça. Depuis toute petite, on est programmée à vouloir nous marier et vouloir des enfants pour être heureux, c'est ce qu'on nous apprend depuis notre petite enfance à vouloir et désirer pour la survie de la race humaine je crois. Effectivement, j'ai toujours rêvé de trouver ce prince charmant sur son beau cheval blanc qui me demanderait ma main avec qui j'aurais des enfants, des tas d'enfants et un mariage princier digne des plus grands films hollywoodiens. Mais la vie, c'est différent. Différent des films que l'on voit à la télé, différent de tout ce qu'on s'était imaginé, prévus et programmer pour notre futur. Je viens d'apprendre que ma vie va changer, complètement changer. J'ai 20 ans et je me retrouve enceinte du meilleur pote de mon frère. Je suis enceinte de quatre mois passés, il n'y a plus de possibilités de retour en arrière à présent. Même si à vrai dire, je ne suis pas sûr que j'aurais opté pour cette situation si j'en avais eu la possibilité... Dans cinq moins, je serais maman. Comment être maman quand moi-même, je ne suis qu'une enfant me direz-vous ? Je n'en ai aucune idée. Je ne gère pas du tout la situation, je la subis. Je suis totalement paniquée à l'idée de l'annoncer à mon frère, à mes parents, à j-j... Je crois que j'aurais pu voir plus tôt que j'étais enceinte en y réfléchissant bien, mais je n'ai pas voulu voir les signes annonciateurs. Je m'étais déjà retrouvé plusieurs fois à l'infirmerie dernièrement, j'avais la tête qui tournait et me sentais nauséeuse à longueur de temps mais mettait cela sur le compte de la fatigue et sans doute d'un petit coup de mou passager pas sur un possible bébé qui ferait son entrée dans ma vie. Maintenant que je le sais, j'ai l'impression que le fait que je sois enceinte est une évidence et que c'est écrit au marqueur noir sur mon front. Je ne supporte plus rien, ne mange plus rien et tout me parait insurmontable... Je suis à l'hôpital presque 24h/24h depuis l'accident entre mes examens et le coma de JJ. Je lui tiens la main sans relâche malgré les regards inquisiteur de mon frère ou de la bande, peu importe. Rien qu'imaginer son départ, ma gorge se serre et mes larmes se mettent à couler. J'ai peur, je suis complètement terrorisé à l'idée qu'il puisse partir sans même pu lui avoir dit au revoir...