C'était la panique totale aux urgences. Trop de patients, pas assez de médecins. Une jeune femme était arrivée à l'hôpital et il s'était avéré qu'elle avait un hémothorax peu abondant, mais à prendre au sérieux malgré tout. J'essayais de me montrer le plus rassurant possible tandis que la patiente était allongée sur la table de consultation, anesthésiée localement. Le choc l'avait laissé dans un état second, elle parlait peu, et semblait assez effrayée, ce qui était totalement normal. Je regardais Eirene qui m'assistait sur ce cas, et lui glissait à l'oreille. « Si tu vois qu'elle panique, rassure là. » Une fois que tout était prêt, la zone désinfectée et les instruments à portée de main, je me chargeais de l'incision qui allait permettre l'insertion du drain. J'avais choisi de le faire au niveau du 4ème et 5ème espace intercostal, car il s'agissait de la pratique la plus simple dans ce genre de situation. Une fois l'incision réalisée, je l'écartais avec les pinces avant de regarder Eirene. « Tu veux te charger de placer le drain ? » La pose d'un drain était une technique qui pouvait être faite par un interne, sous surveillance bien sûr. Un hémothorax pouvait être facilement traité, à condition qu'il n'y ait pas de complications. Si la pose du drain n'était pas suffisante, il fallait procéder à une thoracotomie, ce que je ne souhaitais pas à cette patiente.

Eirene avait passé la dernière heure à aider le docteur Carter à stabiliser certains cas aux urgences, mais la fatigue ne se faisait toujours pas sentir. Il y avait tant de patients, de cris, de sang, qu'elle n'avait pas une seule minute pour ne serait-ce que penser à être fatiguée. Lorsque le docteur Lawford l'avait hélé au passage pour lui demander de l'assistant en salle de trauma, elle avait suivi sans protester, bien au contraire. La trauma l'intéressait particulièrement, et encore plus depuis que Lawford le savait et la laissait parfois participer aux opérations. Pas tous les résidents ne s’effaçaient ainsi, et encore moins devant des internes, alors elle l'appréciait particulièrement pour ça.

Elle rentra alors à son tour dans la salle, avant d'avoir un mouvement d'arrêt. Wendy. C'était Wendy sur la table. Elle serait volontiers restée en état de choc un peu plus longtemps, mais si elle voulait aider, elle avait intérêt à se reprendre. Elle entendit l'infirmière énoncer la diagnostic ; hémothorax peu étendu. Comme Eirene pouvait le voir, Wendy était encore consciente - quoi que complètement groggy, sous l'effet de la morphine -, ce qui voulait dire que son état n'était pas désespéré. « Si tu vois qu'elle panique, rassure là. » Elle acquiesça, songeant que cela était peu probable vu l'état de la jeune femme. Mais elle se plaça à ses côtés et la regarda dans les yeux, tant en souriant, espérant ainsi l'apaiser et lui montrer qu'elle irait bien. Elle regarda ensuite l'infirmière anesthésiste désinfecter le côté gauche de l'abdomen et injecter le produit pour une anesthésie locale dans la poitrine de la jeune femme, puis observa Lawford écarter la cage thoracique entre le 4e et le 5e intercostal. Bien que particulièrement stressée par la situation du fait que son amie se trouvait sur la table, elle regardait toujours avec attention les manipulations effectuée, pour tenter de les intérioriser, petit à petit. Même si elle avait vu de nombreux cas d'hémothorax déjà, cela ne coûtait rien de toujours chercher à s'améliorer.

Soudain, Lawford - en réalité, elle l'appelait parfois Noah, mais elle préférait rester professionnelle - se retourna vers elle. « Tu veux te charger de placer le drain ? » « Bien sûr ». Reconnaissante, elle inclina la tête vers l'avant avant de s'avancer vivement et de prendre tout ce dont elle avait besoin en main. L'écarteur était stable, elle n'avait plus qu'à insérer le drain de telle manière qu'il atteigne l'épanchement sans heurter les tissus. Elle l'avait déjà fait une ou deux fois, mais pratiquait ce soin et la regarder était bien différent. Aussi se tourna-t-elle un instant vers Noah en quête d'approbation lorsqu'elle commença à enfoncer le drain. Une fois qu'elle pensa l'avoir enfoncé suffisamment, elle attendit que le sang se mette à couler et lâcha un soupir de soulagement lorsque la poche au bout du train commença à se remplir. Mais ça ne voulait pas pour autant dire que le drain était correctement placé et qu'elle n'avait pas endommagé des tissus. Elle en doutait, mais il s'agissait de Wendy, et elle ne voulait surtout pas avoir commis la moindre erreur. Elle se retourna donc à nouveau vers Noah, une certaine anxiété se reflétant sur ses traits. « Comme ça ? ».